Bataille en vue sur les aides à la rénovation énergétique
Le projet de transformer le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime soulève des inquiétudes face au risque d'une baisse drastique des crédits alloués à l'isolation des logements.
La réforme des aides à la rénovation énergétique, prévue dans le projet de loi de finances 2020, va animer les débats parlementaires de cet automne. A dix jours de la présentation des textes budgétaires, les critiques émergent déjà sur le projet de transformer le crédit d'impôt sur la transition énergétique (CTIE) en aide directe.
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, cette conversion doit rendre les travaux d'isolation accessibles aux plus modestes, en leur évitant de faire l'avance de frais. Ses modalités, présentées dans un document de concertation dans le courant de l'été, ont soulevé des inquiétudes face au risque d'une baisse drastique des crédits à la rénovation énergétique, sous couvert d'une mesure en faveur des ménages modestes. Un domaine où, justement, la France est considérée comme en retard par le Haut-Conseil pour le climat.
Le premier à avoir exprimé ses craintes est Pascal Canfin, le président de la comission Environnement au parlement européen, élu sur la liste En marche en mai. Il a qualifié cette réforme de « positive », tout en dénonçant les « coupes envisagées dans les aides à l'isolation des bâtiments ». « Ne pas revenir sur ces coupes, c'est prendre le risque de rendre le budget de l'écologie incompréhensible », a-t-il averti fin août dans un entretien aux « Echos ».
20 % de ménages aisés exclus des aides
Il a été suivi par Matthieu Orphelin, qui, s'il n'est plus membre du groupe LREM à l'Assemblée, reste écouté dans la majorité. Dans un courrier adressé à cinq ministres du gouvernement, le député du Maine-et-Loire a demandé que cette réforme ne soit pas « un moyen de baisser l'enveloppe globale allouée à la rénovation énergétique ».
Ce qui est acté, c'est que les 20 % de ménages les plus aisés seront exclus des aides à compter du 1er janvier 2020, soit au-delà d'un seuil de revenus situé autour de 27.000 euros (43.000 euros pour un couple). C'est en tout cas ce qui devrait figurer au projet de loi de finances, présenté le 27 septembre prochain.
2 milliards en 2018
L'incertitude porte sur les modalités de la prime qui viendra remplacer ce crédit d'impôt. Le montant des subventions ne dépendra plus du coût des travaux, mais de leur efficacité énergétique, de façon à orienter les ménages vers les travaux qui améliorent réellement l'isolation de leur logement. D'où une inquiétude sur la baisse globale des aides. Son budget sera-t-il équivalent au montant économisé via le coup de rabot sur les ménages aisés ? « Nous voulons nous assurer que ces sommes iront bien aux ménages modestes », indique le député Eric Alauzet (LREM), issu des rangs écologistes.
D'après la Cour des comptes, le CITE a coûté presque 2 milliards en 2018, malgré les tentatives du législateur de freiner son coût, notamment en excluant les fenêtres. Des données transmises lors du grand débat aux parlementaires ont montré que la moitié de cette dépense allait aux 20 % de ménages les plus aisés. C'est ce qui fait dire à Eric Alauzet que « le système existant est loin d'être parfait ». « Pour que les foyers modestes entreprennent des travaux de rénovation énergétique, il faut un niveau de subvention bien plus élevé qu'aujourd'hui », ajoute-t-il.
Sauf que l'exclusion des 20 % de ménages aisés risque de provoquer une baisse globale des travaux de rénovation énergétique. D'où la proposition de Matthieu Orphelin de maintenir une aide pour ces foyers lorsqu'ils font une rénovation très performante. « Sinon, ils iront tout simplement faire d'autres travaux », affirme-t-il.
Sans compter que la lisibilité de cette réforme sera entachée par son étalement sur deux ans. Pour des raisons budgétaires, les 40 % de ménages les moins aisés seront éligibles à la prime dès 2020, tandis que les classes moyennes (appartenant aux déciles de revenus 4 à 8) devront attendre 2021. Durant l'année de transition, ils pourront continuer de percevoir le CITE. Pas sûr que les ménages s'y retrouveront.