Design ergonomique et bien-être au travail : être à l’écoute du terrain

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Permettre aux salariés de mieux travailler et de rester en bonne santé à leur poste doit être une préoccupation constante des entreprises.




Mais quelles sont les actions qu’elles peuvent déployer pour les y aider ? 
Tour d’horizon…

 

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Photos : ouverture © Elcia - Ci-dessus (de g.à dr.) - © K.Line - © Castes Industrie — Le bien-être et la sécurité au travail : un sujet pris très au sérieux par les  industriels et entreprises du secteur de la menuiserie. Espace de réunion isolé chez Elcia pour assurer calme et confidentialité, séance d’échauffement chez K.Line avant de prendre leur poste ou tests d’exosquelettes actifs chez Castes Industrie… 

 

Aujourd’hui, la prévention des risques professionnels est indispensable, tant pour les travailleurs que pour les employeurs. Elle permet aux salariés de travailler dans un environnement sain et sécurisé, ce qui réduit le risque d’accidents et de maladies professionnelles. L’amélioration du bien-être au travail se traduit par une meilleure santé, une meilleure qualité de vie et une plus grande satisfaction professionnelle.

 

Pour les employeurs, la prévention contribue à réduire les coûts médicaux, les indemnités d’incapacité temporaire ou permanente liées aux accidents et aux maladies professionnelles. Elle leur épargne également les dépenses de remplacement des travailleurs absents. Elle permet enfin d’améliorer la productivité, la qualité du travail et la réputation de l’entreprise.

 

En France, en 2022, quatre types de risques étaient à l’origine des accidents du travail (AT) graves et mortels : la route, la chute de hauteur, l’utilisation de machines et la manutention manuelle. Cette dernière est à l’origine de 50 % des accidents des salariés du régime général, selon le Rapport annuel 2023 de l’Assurance maladie consacré aux risques professionnels.

 

À ce titre, de nombreuses entreprises du secteur de la menuiserie mettent en œuvre de bonnes pratiques dans les ateliers ou dans les bureaux.

 

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© K-Line - Groupe Liébot - D.R. - K.Line a procédé à plusieurs aménagements de postes de travail en usine pour favoriser l’ergonomie : cette fosse permet la prise des tôles à hauteur sans effort

 

Leader français de la fabrication de menuiseries en aluminium, K.Line travaille depuis des années sur les aides à la manutention dans ses sept usines. « Par exemple, nous utilisons des barres en aluminium de 7 m. Et nous avons mis en place des systèmes de lève-barres pour éviter aux opérateurs de les porter, tant au moment du tri que de leur utilisation dans les centres d’usinage », indique Frédéric Martin, directeur industriel de K.Line.

 

Supprimer les ports de charge

 

Des robots permettent de supprimer des ports de charge, par exemple, pour la fabrication des portes. Ils accomplissent des gestes identifiés comme très pénibles, notamment lors de l’introduction de joints dans certains profils. Pour éviter de porter une menuiserie, des manipulateurs aériens sont ainsi installés dans toutes les usines K.Line. Et des tables basculantes évitent les mouvements de remise à l’horizontale ou de remise à la verticale des menuiseries, très sollicitants pour les organismes.

 

« Nous investissons beaucoup d’argent tous les ans pour mener la chasse aux risques. Nous menons une analyse à partir d’un document unique, en relation avec le CHSCT, un médecin du travail et en tenant compte des remontées d’informations des opérateurs pour cibler nos investissements afin d’éliminer les gestes les plus pénibles », relève Frédéric Martin.

 

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© Castes Industrie - D.R - Pour faciliter les opérations d’accrochage puis de décrochage des menuiseries bois avant leur traitement de protection par pulvérisation, les balancelles peuvent désormais être baissées quasiment à hauteur d’homme

 

Il y a 15 ans, les opérateurs de Castes Industrie méconnaissaient les tables basculantes. Dans leurs ateliers de Villefranche-de-Rouergue (12), ils ne disposaient que de tréteaux sur lesquels ils adaptaient les petites et les grandes menuiseries, « pas du tout pratique sur le plan de l’ergonomie », évoque Sébastien Garrouste, responsable Hygiène, Sécurité et Environnement (HSE) qui a rejoint l’entreprise voici 14 ans. Puis Castes Industrie, parmi les acteurs majeurs sur son marché, convie avec LISI Aérospace des collaborateurs de profils différents, à suivre une formation conjointe auprès d’un ergonome. « Cet intervenant nous a sensibilisé à une méthodologie. Par groupe de deux ou trois, nous passions de l’étude théorique à son application concrète sur les postes de travail », rappelle Sébastien Garrouste.

 

Après la formation en lien avec l’ergonome, l’industriel aveyronnais a défini un cahier des charges pour fabriquer ses propres tables pneumatiques en interne. Tournant à 360°, elles permettent de passer de la position horizontale à la position verticale pour faciliter la manipulation des menuiseries, également réglables pour s’adapter à la taille de chacune des personnes intervenant le matin ou l’après-midi, sur un même poste.

 

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© Euradif - D.R. - Ces dernières années, Euradif a beaucoup investi dans la réduction du port de charges pour ses collaborateurs. Les ateliers sont équipés de préhenseurs à ventouses, de palonniers, de tables rotatives et basculantes et de chariots adaptés

 

À Béthune (62), avec 230 salariés, la société Euradif – répartie sur deux sites – concepteur et fabricant notoire de portes d’entrée, ouvrants monobloc et panneaux décoratifs pour portes d’entrée aluminium et PVC, a beaucoup investi dans la réduction du port de charges ces dernières années. « Nos ateliers sont équipés de préhenseurs à ventouses, de palonniers, de tables rotatives et basculantes et de chariots adaptés. Et côté sécurité, nous avons intensifié la sensibilisation et responsabilisation des opérateurs sur les bonnes pratiques », explique Amandine Faller, responsable QHSE-RSE-Lean Euradif.

 

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© Profils Systèmes - D.R. - Installée au sein de Profils Systèmes Usinage (PSU), cette table élévatrice pour le colisage s’adapte à la hauteur physiologique de chaque opérateur

 

Le gammiste et extrudeur de profilés aluminium Profils Systèmes améliore régulièrement son site industriel de Baillargues (34). Au cours des deux dernières années, une dizaine de tables élévatrices ont été installées, notamment à la sortie des lignes d’extrusion P1 et P2 pour l’emballage, au niveau de l’accrochage et du décrochage des deux lignes de laquage vertical et au sein de Profils Systèmes Usinage (PSU) pour le colisage. « Les colis sont désormais construits à hauteur physiologique, adaptée à chaque salarié, ce qui permet d’adopter des postures moins contraignantes notamment pour les membres inférieurs, le tronc et les membres supérieurs », indique Olivier Bonnafé, responsable QHSE de Profils Systèmes.

 

« Les opérateurs n’ont plus à se baisser pour attraper les colis à préparer et à emballer. Les jambes ne sont plus sollicitées par des fléchissements répétés et les articulations ne supportent plus les poids des colis. Le dos est aussi épargné. Enfin, une seule personne peut préparer un colis », précise Nicolas Calas du Service PSU de Profils Systèmes. « C’est une belle avancée en matière de réduction des Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) », remarque Claire Boulisset, infirmière chez Profils Systèmes.

 

La sécurité avant tout

 

Pour Jean-Marc Boisson, ingénieur technico-commercial chez le fabricant vendéen de machines ergonomiques MZR, le bien-être au travail en milieu industriel passe essentiellement par la sécurité : « Toutes nos machines doivent répondre à des normes de plus en plus draconiennes pour la sécurité des opérateurs. Elles passent donc obligatoirement entre les mains de bureaux de contrôle externes pour vérifier leur adéquation aux normes en vigueur ».

 

Castes Industrie travaille pour sa part avec les organismes de contrôle Bureau Véritas, Apave et Dekra. « Nous avons fait vérifier par Bureau Véritas deux tables de montage pneumatiques de notre fabrication pour repérer des axes d’amélioration applicables dès la conception », précise Sébastien Garrouste. En l’espace de 5 ans, une quinzaine de tables de montage différentes ont vu le jour.

 

Chez MZR, les innovations s’enchaînent. Un poste de travail ergonomique pour pratiquer l’assemblage de palettes à dosseret en bois a été récemment certifié. « Jusqu’ici, les positions de clouage n’étaient pas du tout ergonomiques. Elles se situaient au ras du sol ou trop en hauteur, ce qui n’allait pas du tout pour l’opérateur. Notre solution lui permet d’être à la bonne hauteur lorsqu’il assemble les pièces, avec un cloueur pneumatique ou électrique, qui vont constituer la palette », détaille Jean-Marc Boisson.

 

MZR a aussi développé une table élévatrice et basculante qui permet l’assemblage d’un jeu complet de palettes à dosseret. « Nous les imbriquons les unes dans les autres et nous pouvons en fabriquer 5 ou 10 d’un seul coup. Notre produit permet d’ajuster toutes les positions à la hauteur de l’opérateur », affirme l’ingénieur technico-commercial MZR.

 

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© MZR- D.R. - MZR a conçu E Deal, un poste "assis-debout" revêtu d’une couleur vive et attrayante. Il permet l’assemblage ergonomique de consoles ou d’armoires

 

Un nouveau Poly’lev apparaîtra chez MZR début 2025. Au-delà des besoins fonctionnels, il adoptera un nouveau design plus attrayant dans l’atelier. Autre nouveauté : E Deal est un poste "assis-debout" revêtu d’une livrée vert attractivement flashy. Il permet l’assemblage ergonomique de consoles ou d’armoires électriques à hauteur et selon le basculement souhaité par l’opérateur.

 

Car chez MZR, tout part du besoin fonctionnel essentiel pour le client. Le produit est conçu afin d’être le plus ergonomique possible et qu’il bénéficie d’une plus grande acceptation pour les opérateurs.

 

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© MZR- D.R. - Opérationnel depuis juin dernier, le nouveau siège social de MZR est localisé à Landevieille (85). Lumineuse, la partie atelier mise sur l’espace et la fonctionnalité

 

« Pour renforcer l’attrait de notre nouvelle solution de travail, nous devons répondre aux besoins fonctionnels tout en soignant l’interface opérateur, avec des commandes un peu plus accessibles et intuitives. Le design visuel et les formes de la machine comptent. Nous faisons en sorte qu’elle soit un peu moins carrée, un peu plus arrondie et qu’elle arbore des couleurs qui ne soient pas trop criardes », développe Jean-Marc Boisson qui constate dans les ateliers une tendance à la polyvalence, au besoin de changer rapidement d’organisation de production, varier les tâches pour attiser l’intérêt et éviter l’ennui de la répétitivité.

 

Tapis, chariots et flux transitiques

 

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© Profils Systèmes - D.R. - En septembre dernier, des tapis "antifatigue" ont été déployés dans les ateliers de barettage de Profils Systèmes. Les salariés ont été impliqués pour choisir le modèle idéal de tapis amortisseur de chocs

 

En septembre dernier, des tapis "antifatigue" ont été déployés dans les ateliers de barettage de Profils Systèmes pour les postes en station debout prolongée avec piétinements. Cette installation a été menée pour satisfaire une demande remontée par le biais d’une fiche d’amélioration. Les salariés ont été impliqués avec leur responsable pour choisir le modèle idéal de tapis amortisseur de chocs favorisant la circulation sanguine des membres inférieurs. Ce confort procure une sensation agréable aux opérateurs de Profils Systèmes.

 

Actuellement, des équipes terrain de la société héraultaise œuvrent en collaboration avec un ergonome pour créer et améliorer un nouveau chariot de tri des profilés. En sortie de ligne de barretage bicolore, les profilés sont stockés en nombre sur ce chariot avant d’être dispatchés dans les unités de stockage adéquats. « Ce chariot, c’est de la folie ! Grâce à lui, nous accomplissons 5 fois moins de déplacements et nous manipulons 10 fois plus de charges sans effort », s’enthousiasme Benjamin Salvador de l’atelier barrettage.

 

« Toutes ces actions ont été mise en place via une démarche participative et collaborative d’amélioration continue et de bien-être au travail. Elles font partie intégrante du pilier social de la politique RSE de Profils Systèmes. D’autres actions font l’objet de tests et nous les dévoilerons en 2025 », annonce Olivier Bonnafé.

 

Castes Industrie cherche aujourd’hui à mettre en place des lignes transitiques en automatisant les liaisons d’un poste à un autre, pour éviter aux salariés de pousser et tirer les chariots. Les fabricants peuvent intégrer les tables pneumatiques dès la mise en place de la ligne.

 

Des investissements ont également été consacrés à la gestion des vitrages dans les ateliers Aluminium et PVC de Castes Industrie. Auparavant, les opérateurs recevaient les vitrages sur des chariots, les contraignant à effectuer une manutention pour récupérer le bon vitrage puis le placer dans l’ouvrant de la menuiserie.

 

Aujourd’hui, des magasins à vitrages sont intégrés dans les transitiques. Il suffit à la personne de scanner le code barre du vitrage lié à un ouvrant pour qu’il soit mis à sa disposition et stocké dans le magasin de vitrages. L’opérateur n’a plus alors qu’à le mettre dans l’ouvrant de la menuiserie à l’aide d’un préhenseur.

 

Prendre en compte l’humain dans l’entreprise

 

Malgré les investissements techniques menés chez K.Line, l’entreprise constatait la persistance de petits arrêts de travail de 2 ou 3 jours ou d’une semaine consécutifs à des tendinites ou à des maux de dos, de cou, d’épaule… « Heureusement, nous n’avons pas d’accidents provoquant de longs arrêts, mais nous avons réfléchi à une solution. Nous avons ainsi fait porter l’effort sur les gestes et postures et l’échauffement », pointe Frédéric Martin. 

 

Depuis 18 mois, toutes les équipes de K.Line – qui fonctionnent en 3 x 8 – commencent leur journée par un échauffement étudié par des consultants spécialistes en ergonomie et animé par les opérateurs eux-mêmes, parfois en musique, gestes personnalisés en fonction des usines et des postes ; gestes récupérateurs qu’ils sont également incités à accomplir de 15 à 20 secondes durant de courtes pauses pour limiter les douleurs, la fatigue….

 

En réponse à un sondage interne, 90 % des salariés confirment un mieux-être. « Autre bénéficie parallèle, l’échauffement contribue à établir une bonne ambiance dans l’équipe pour démarrer le travail », se félicite Frédéric Martin.

 

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© Elcia - D.R. - 92,1 % des salariés interrogés chez Ecia déclarent aimer la manière dont ils se retrouvent pour travailler. Ils évoquent les locaux, les services, l’ambiance et la qualité des relations humaines

 

L’éditeur de logiciels majeur pour la menuiserie basé à Lyon (69), Elcia apprécie particulièrement la convivialité entre les salariés. C’est pourquoi elle a pris le contre-pied du travail à distance complet (full-remote), considéré comme désocialisant. L’entreprise préfère que ses 250 salariés puissent échanger autour d’un café, déjeuner ensemble et partager des idées…

 

« Notre modèle repose sur un juste équilibre entre présence physique au bureau, télétravail et horaires flexibles. Nous déployons donc beaucoup d’actions internes et mettons en place des équipements pour donner l’envie à nos collaborateurs de venir au bureau afin qu’ils s’y sentent bien et épanouis », résume Stéphanie Robin, DRH du groupe Elcia.

 

S’agissant des espaces de travail, la société rhodanienne propose à la fois des open space spacieux favorisant les échanges entre équipes et des espaces plus intimes pour s’isoler, travailler dans le calme ou assurer la confidentialité d’une réunion.

 

En 2024, quatre nouveaux espaces ont été aménagés chez Elcia. Le Service Produit bénéficie d’un flex-office où chacun peut choisir sa place suivant l’organisation de sa journée, ses projets, les personnes avec qui il va travailler. Une salle "pair programming" permet aussi de coder en binôme sur un poste partagé. Pour stimuler la créativité, une salle atelier est dédiée au travail collaboratif avec des écrans tactiles, des tableaux blancs, des paper board, des post-it… Enfin, une salle zen offre à chacun la possibilité de s’isoler dans le silence, pour travailler, se reposer, lire… Et une bibliothèque va prochainement y être installée.

 

Les collaborateurs d’Elcia disposent de souris ergonomiques, de doubles écrans et de bureaux qui se lèvent pour travailler debout. « Sur ces points, nous sommes à l’écoute de nos collaborateurs pour leur garantir le maximum de confort sur leur poste, aussi bien au bureau qu’en télétravail. Nous avons une politique de santé au travail très forte. Nous organisons des ateliers autour de la gestion du stress. Nos managers sont sensibilisés pour détecter les situations de stress et de mal-être dans leurs équipes pour anticiper et agir rapidement », souligne Stéphanie Robin.

 

Les exosquelettes à la rescousse

 

Parmi les 9 principes généraux de prévention, l’un d’eux stipule qu’il faut adapter la machine à l’homme et pas l’inverse. Mais, en fonction du process, il arrive parfois qu’il faille adapter l’homme à la machine.

 

Castes Industrie a ainsi tenté l’expérience des exosquelettes dans son atelier Bois. Concrètement, des convoyeurs fixés au plafond supportent des balancelles sur lesquelles des opérateurs suspendent des menuiseries bois. Celles-ci sont ensuite dirigées vers des cabines automatiques pour y recevoir un traitement de protection par pulvérisation (insecticide, fongicide, hydrofuge). En fin de cycle, les menuiseries sont décrochées à nouveau par des opérateurs pour être placées sur des chariots.

 

« Mais face à la pénibilité de l’accrochage et décrochage des menuiseries pouvant entraîner potentiellement des blessures au niveau des épaules, notamment sur la coiffe des rotateurs », précise Sébastien Garrouste, « nous avons testé des exosquelettes passifs, fonctionnant avec des ressorts. Bras baissé, le ressort se comprime. Bras levé, il se détend pour accompagner et faciliter la manœuvre de l’opérateur ».

 

Suite aux essais menés avec plusieurs personnes et sur plusieurs postes le verdict s’est  avéré partagé entre celles satisfaites et celles déplorant un exosquelette pouvant être intrusif en le portant sur le dos. Puis un quincaillier sollicite il y a quelques mois Castes Industrie pour lui proposer de tester des exosquelettes actifs fonctionnant avec des batteries. Mais ce matériel générait du bruit, donc un inconfort, se révélant beaucoup plus contraignant que l’exosquelette passif en termes de liberté de mouvement.

 

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© Castes Industrie - L’atelier Aluminium de Castes Industrie a fait l’objet d’adaptations. Il y a 15 ans, seuls deux préhenseurs étaient disponibles pour aider aux opérations de manutention. Il y en a 8 aujourd’hui

 

« Un exosquelette coûte entre 3 et 4 000 € : il existe donc un frein financier au déploiement d’une telle solution. Et comment gérer la situation le jour où l’exosquelette est en panne ou qu’il n’est pas disponible ? La personne qui aura eu l’habitude de l’utiliser pendant 2 ou 3 mois ne risque-t-elle pas de se blesser plus facilement sans l’exosquelette ? Nous avons échangé sur ces points avec la médecine du travail qui se pose un peu les mêmes questions que nous. Elle attend de voir comment les utilisateurs de ces exosquelettes vont vieillir… », explique Sébastien Garrouste.

 

Au mois d’août dernier, Castes Industrie a revu tous les systèmes de convoyage de la zone de finition dans son atelier Bois, aménageant un espace plus ergonomique avec une balancelle pouvant désormais se baisser quasiment à hauteur d’homme. Ce système va être étendu au premier semestre 2025, lors du remplacement de la totalité du process de traitement des menuiseries bois. Cette fois, c’est bien l’objet qui se met à hauteur de l’homme et pas l’inverse.

 

K.Line s’intéresse également aux exosquelettes. Il en a introduit trois pour les tester sur l’un de ses sites de production, des salariés s’étant plaints de douleurs. « Nous sommes partis de sujets que nous ne pouvions pas résoudre techniquement avec un manipulateur ou un robot pour éviter le port de charge ou la pénibilité. Notre premier groupe de travail a concerné les plieuses en interne. Sur certaines machines ou certains centres d’usinage, les opérateurs doivent en effet se plier et leur dos en souffre. Nous avons exploré des solutions collectives et contacté plusieurs fournisseurs d’exosquelettes. Nous avons établi un dialogue avec les opérateurs. Comme avec n’importe quel sujet, vous allez avoir des gens contre et d’autres qui ont l’envie d’essayer. Nous nous sommes appuyés sur ces personnes-là pour faire des tests », expose Frédéric Martin.

 

Plusieurs tentatives ont dû être menées avant de trouver l’appareil alliant efficacité et praticité correspondant aux besoins de K.Line… « Les exosquelettes sont en place depuis quelques mois. Et lorsque nous faisons visiter cette usine à nos clients, les opérateurs sont relativement fiers d’être vus avec un exosquelette : ils éprouvent un sentiment de modernité car ils sortent un peu du lot. Et puis, qui ne peut être plus convaincant qu’un opérateur qui a testé une solution qui lui plaît ? Avec l’exosquelette, ce n’est plus le dos du salarié qui prend l’effort : c’est la machine ». Pour autant, souligne Frédéric Martin, « l’exosquelette est vraiment à adapter à une gestuelle particulière et un poste précis. Pour susciter l’adhésion des opérateurs, il doit leur apporter un réel avantage et il est essentiel que la contrainte du port de l’exosquelette soit acceptable par rapport au gain en effort. Je ne peux pas vous garantir que nous parviendrons à déployer les exosquelettes partout. Mais dans l’usine test, le démarrage de la phase pilote est plutôt positif ». En résumé, conclut le directeur industriel de K-Line, « nous écoutons les opérateurs, identifions ceux désireux d’aller vers une nouvelle solution pour qu’elle se déploie. S’ils veulent essayer, nous les accompagnons financièrement ». 

 

Les accidents du travail ont-ils été réduits ?

 

Les investissements consentis par les entreprises pour réduire les accidents du travail sont-ils efficaces ? Chez Euradif, les résultats sont très satisfaisants : « Des challenges "zéro accident du travail" sont mis en place et appréciés. Entre 2023 et 2024, nous enregistrons une chute de 71 % des accidents de travail. Nos campagnes de sensibilisation et leurs résultats sont également diffusés sur des écrans installés à plusieurs endroits stratégiques de l’entreprise », pointe Amandine Faller.

 

Depuis la mise en place de la transitique dans l’atelier Aluminium de Castes Industrie, les postes de vitrage, de palettisation et d’emballage sont moins accidentogènes. Le fait d’avoir décomposé puis réparti plusieurs tâches sur différents postes s’avère judicieux. « Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus d’accidents », affirme Sébastien Garrouste.

 

En 3 ans, sur l’ensemble de ses sept usines, K.Line est passé de 80 AT (Arrêts de Travail) à moins de 30. L’indicateur universel TF1 sur la sécurité régresse : de plus de 50, il est passé à moins de 15. « Et la tendance d’amélioration s’accélère : en comparant les périodes de 2023 et de 2024 du 1er janvier au 30 novembre, nous avons vu baisser les accidents avec arrêt de 43 % », se félicite le directeur industriel de K.Line.

 

Le groupe vendéen va continuer d’investir pour s’équiper de deux nouveaux robots métiers en plus des deux déjà opérationnels. Ils apportent en effet une aide précieuse aux opérateurs dans l’accomplissement de gestes répétitifs qui finissent par provoquer une usure corporelle. K.Line va aussi développer l’emploi des chariots manipulateurs automatisés (AGV) avec l’ambition de remplacer la manutention manuelle par celle automatisée pour éviter les efforts de déplacements (poussées, tirées).

 

« Notre objectif vise à la fois la suppression d’AT et la réduction de futures maladies professionnelles. Notre premier devoir en tant qu’employeur réside dans la santé et le bien-être de nos salariés, c’est la volonté de toute l’entreprise, des actionnaires, de la direction générale », souligne Frédéric Martin.

 

Chez Elcia, l’absentéisme est très faible. L’entreprise préfère donc mesurer la satisfaction et le bien-être de ses salariés via son enquête annuelle HappyAtWork menée anonymement auprès de ses collaborateurs. « Nous sommes labellisés HappyAtWork depuis 8 ans et en 2024, nous sommes classés 7e meilleure entreprise française où il fait bon travailler (catégorie 100 à 249 collaborateurs). Avec des chiffres parlants : 85,4 % de nos collaborateurs recommandent Elcia et lui attribuent la note globale de 4,41/5 », affirme Stéphanie Robin.

 

Du nouveau sur les chantiers

 

L’inventivité apporte aussi des bienfaits sur les chantiers. Ainsi, Kem-Tech/KSF Europe – concepteur d’élévateurs portables et de robots de vitrage – finalise le développement d’un nouvel élévateur de stores d’une capacité de levage de 180 kg et qui pourra hisser une charge jusqu’à 50 m. Ce nouvel appareil vient au secours des installateurs devant lever un store jusqu’à un balcon et dans les étages des immeubles. Pour y parvenir, la solution actuelle est de tirer sur une corde, ce qui leur demande un effort physique important. Ou alors, ils doivent louer du gros matériel…

 

« Nous présenterons le prototype de notre nouvelle machine en février 2025. Il y a beaucoup de demandes pour ce genre d’appareil, notamment dans le Sud de la France et en Italie. Et aujourd’hui, il n’y a pas de solution sur le marché », signifie Dominique Bossu, président de Kem-Tech/KSF Europe.

 

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© Kem-Tech / KSF Europe - En février 2025, Kem-Tech / KSF Europe présentera officiellement un nouvel élévateur de stores qui pourra hisser une charge de 180 kg jusqu’à 50 m

 

Sur le nouveau système, l’effort de levage sera confié à un treuil électrique. Pour éviter à ses clients d’avoir à acheter deux ou trois élévateurs différents, Kem-Tech/KSF Europe commercialisera son nouveau process comme un accessoire. « En fait, nous lançons un appareil "deux en un". L’accessoire de levage sera installé directement sur notre chariot. Mais le client pourra aussi l’enlever pour utiliser directement son élévateur de façon classique pour installer ses stores », précise Dominique Bossu.

 

Le prix de l’appareil complet - qui n’a pas encore de nom officiel - atteindra 4 500 € environ. Ceux qui ont déjà le chariot pourront acquérir l’option de levage seule, commercialisée 2 250 € environ.

 

Très à l’écoute de ses clients, le président de Kem-Tech/KSF Europe résume : « Entendre les besoins du terrain est très important. C’est à partir de cela que nous pouvons imaginer de nouvelles solutions et que nous évoluons ». C’est plus que jamais sur cette logique de bon sens que repose le bien-être au travail dans les entreprises.



Source : verre-menuiserie.com

L'auteur de cet article

photo auteur Jacques LE CORRE
Titulaire d’un DUT Information - Communication spécialisation Journalisme obtenu auprès de l’IUT de Bordeaux III, Jacques Le Corre est journaliste professionnel depuis 36 ans. Passionné par les grands enjeux économiques, il a relaté plusieurs grands défis industriels dans des magazines, notamment la construction du paquebot “Queen Mary 2” et la mise en place des programmes A380 et A400 M d’Airbus. Homme de terrain (texte et photos), il collabore avec V&MA depuis près de 4 ans.
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