Architecture durable et bâtiment intelligent : le défi du confort pour demain

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Est-il possible de concilier les notions d’architecture durable et de bâtiment intelligent...




... en mariant les techniques de construction éprouvées (low tech) et les possibilités offertes par les nouvelles technologies (high tech) ? Réponses…

 

Jacques-Ferrier-architecture_photo-Luc-Boegly_Hangar-108-Rouen

© JFA Jacques Ferrier architecture - Photo : Luc Boegly - L’agence d’architecture de Julien Rivat a conçu la partie Passivhaus du Hangar 108 : un immeuble de bureaux de plusieurs milliers de mètres carrés, signé Jacques Ferrier architecture, qui abrite le siège de la Métropole de Rouen Normandie

 

Basé à Toulouse, GA Smart Building (800 collaborateurs pour près de 300 M€ de CA) est un promoteur et un constructeur. Il développe à la fois des opérations tertiaires, résidentielles, industrielles et logistiques en travaillant sur la base d’éléments industrialisés hors site.

 

Directeur Architecture et Design de GA Smart Building, Arthur Farre est persuadé que, dès la conception, l’architecture durable doit minimiser son empreinte carbone par 4, 5 ou 6. « Elle doit aussi s’adapter au réchauffement climatique qui perturbera de plus en plus le confort d’été et contribuer à rendre acceptable la vie des citadins, même dans des conditions bien différentes » prévient-il.

 

Arthur Farre est convaincu que la technologie aidera à concevoir des bâtiments à l’empreinte carbone réduite et à les adapter aux aléas climatiques. « Bien secondés par l’intelligence artificielle, les logiciels et une grande puissance de calcul, nous pourrons mener de nombreuses simulations aidant à faire de meilleurs choix et à réduire l’impact carbone dès la conception ».

 

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© Trecobat - D.R. - Constructeur breton de maisons individuelles, Trecobat est l’un des plus gros adhérents de la FFB. Ses maisons RE 2020 Trecobat Green anticipent les futures réglementations thermiques de 2031. Trecobat participe souvent au Challenge de l’habitat innovant du Pôle Habitat de la FFB

 

Pour Julien Serri, délégué national aux Affaires techniques du Pôle Habitat de la Fédération française du Bâtiment (FFB), l’architecture durable se conçoit surtout par la durabilité du matériau. Paradoxe : les nouvelles réglementations de type RE 2020 mettent surtout les performances environnementales et énergétiques au centre du jeu. « C’est normal : l’enjeu de la transition écologique est majeur. Mais pour baisser l’impact carbone au maximum, le meilleur moyen est d’avoir un matériau durable. Et augmenter la durée de vie évite de devoir rénover, déconstruire ou démolir souvent. Cela diminue donc l’impact carbone » affirme-t-il.

 

Deuxième critère perçu par le technicien du logement de la FFB : l’architecture durable doit également nécessiter un minimum d’entretien pour faciliter la vie des particuliers ou des syndicats de propriété qui achètent les maisons ou les appartements.

 

Troisième aspect mis en avant par la FFB : dès la conception, il faut penser réversibilité, évolutivité et démontabilité du bâtiment. « Un bâtiment conçu pour le logement collectif, au moment de la livraison, doit aussi pouvoir être transformé en bureaux ou l’inverse… Enfin, les bâtiments étant actuellement de gros producteurs de déchets, nous devons réfléchir à la manière d’assembler les matériaux pour qu’ils soient facilement démontables. II va nous falloir franchir un cap en la matière en recourant, par exemple, à un maximum de fixations mécaniques et à un minimum de colle ou d’éléments, notamment dans l’univers des fenêtres, qui nous empêchent aujourd’hui de réemployer les matériaux », suggère Julien Serri.

 

Priorité numéro 1 : se protéger des apports solaires non désirés

 

Architecte et membre du conseil d’administration de la Maison du Passif, Julien Rivat est convaincu que l’architecture durable passe par des choses simples et de bon sens et non par des bâtiments high-tech. « Il s’agit de placer le bon matériau au bon endroit selon une conception à la fois pertinente et frugale. Et nous devons pouvoir prendre la main sur les automatismes qui doivent être faciles à gérer », souligne-t-il.

 

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© Eole Capture - Côté bureaux, GA Smart Building a réalisé la pause de la nouvelle enveloppe du siège social du Crédit Agricole à Toulouse, rendant ce bâtiment plus performant et recréant des espaces mieux adaptés aux usages d’aujourd’hui

 

Selon lui, l’axiome élémentaire sur un bâtiment performant consiste à se protéger des apports solaires non désirés. Dans cet esprit, GA Smart Building a imaginé Crystal Confort, une menuiserie triple vitrage respirante pourvue d’une protection solaire à l’extérieur. « Cela fait une vraie différence par rapport à des produits plus classiques qui préservent de l’apport solaire à l’intérieur. Crystal Confort est assemblé en usine et illustre notre capacité à adapter la façade du bâtiment au changement climatique », révèle Arthur Farre.

 

Au-delà des matériaux, le rôle de l’occupant du logement est crucial. « L’été, en journée, il doit fermer ses volets pour éviter la surchauffe dans le logement. Au bureau, il faut aussi penser à baisser ou à monter les stores. Maîtriser les apports solaires, cela s’opère par façade, par orientation et par saison », rappelle Julien Rivat.

 

En bâtiment passif, il y a deux saisons : l’été et l’hiver. Concrètement, d’octobre à avril, les stores cherchent à remonter. Et d’avril à octobre, ils cherchent à descendre. « Mais il est important que l’humain qui le souhaite puisse décider de relever ou de baisser son store », insiste Julien Rivat. L’homme prime donc sur les automatismes.

 

Julien Serri constate que la solution des volets roulants à horloge crépusculaire est en train de se généraliser, notamment dans les maisons : le pilotage des volets s’opère automatiquement, en fonction de la luminosité, de la température, de l’heure de la journée, de l’angle avec lequel le soleil frappe sur les différentes baies vitrées. « Mais l’occupant du logement peut également reprendre la main sur le pilotage, ce qui explique aussi le succès de cette solution en plein essor », avance le délégué national aux Affaires techniques du Pôle Habitat de la FFB.

 

Le tirage thermique porte aussi des promesses. Cette solution passive de rafraîchissement se concrétise par l’ouverture simultanée d’une fenêtre de toit et d’une ou deux fenêtres en rez-de-chaussée pour créer un appel d’air qui rafraîchit le logement de 2 ou 3 degrés et améliore la qualité de l’air de la maison. « Et cela ne consomme pas d’énergie » relève Julien Serri.

 

Adapter le bâtiment aux conditions de son environnement

 

Plus élaborés, les systèmes de Gestion Technique du Bâtiment (GTB) imaginés par GA Smart Building sont basés sur des capteurs de température, d’hygrométrie, etc. Ils mesurent ce qui se passe dans le bâtiment et activent ensuite des équipements – chauffage, climatisation, stores, protection solaire, etc. – en fonction des conditions rencontrées.

 

« Ce système a évolué ces dernières années : les équipes de R&D de GA ont mis au point des modules d’intelligence artificielle sur ce produit que nous avons nommé Smart Active System. Il réagit en temps réel en fonction des prévisions météo, de l’occupation potentielle de l’espace… et il est doté d’une forme d’apprentissage », explique Arthur Farre. Le Smart Active System saura prédire s’il y aura du monde dans les locaux le lundi, le mardi ou plutôt le mercredi. Il saura si les espaces seront plutôt inoccupés ou très occupés et s’il va faire froid ou très chaud.

 

Le module influencera le comportement du bâtiment en recourant à certaines sources d’énergie – géothermie, réseau de chaleur… – ou en jouant la carte de la protection solaire pour créer un climat intérieur adapté au confort des occupants et qui consomme le moins d’énergie possible.

 

Très peu porté sur les automatismes, Julien Rivat défend sa vision d’un bâtiment intelligent : « Il doit être adapté à son usage : ni trop grand, ni trop petit. Conçu pour être économe en frais de fonctionnement, il a besoin de peu d’automatisme pour fonctionner relativement bien. Il est isolé avec des matériaux bio et géosourcés, plutôt locaux et plutôt renouvelables ».

 

L’antithèse ? Le cube de verre de Manhattan ou de la Défense hyper énergivore et qui vit grâce à la climatisation… « Lors d’une panne de courant, il doit être évacué. A contrario, un bâtiment durable est bien conçu s’il pallie au laxisme comportemental de ses occupants, à l’image de la maison passive ou Passivhaus », déclare-t-il.

 

De plus en plus d’intérêt pour le bâtiment passif

 

Le concept de bâtiment passif a été initié dans les années 1990 par Wolfgang Feist, un physicien allemand qui voulait construire un petit immeuble destiné à accueillir 4 familles à Darmstadt.

 

Feist a mené une approche pas à pas : « Si j’isole plus, que se passe-t-il ? Et si je mets du triple vitrage ? ». Et à chaque expérience, les coûts montaient, les isolants étant plus chers. Jusqu’au moment où il s’est rendu compte que la maison, bien isolée, n’avait plus besoin de chauffage conventionnel, mais juste d’un chauffage d’appoint : un seul convecteur qui allait fonctionner 5 jours par an pour toute la maison. Certes, le principe constructif restait un peu plus cher, mais il diminuait beaucoup les coûts de fonctionnement.

 

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© Atelier Architecture Rivat - L’atelier d’architecture Rivat et le bureau d’études Engibat ont réussi à transformer l’ancien local machine de Manufrance à Saint-Etienne (42) en un espace de bureaux entièrement rénové et certifié Passivhaus. Il abrite aujourd’hui l’atelier Rivat

 

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© Atelier Architecture Rivat - Labellisé Passivhaus, l’espace de bureaux de l’atelier d’architecture Rivat est surplombé d’une grande verrière de 27 m² qui baigne de lumière naturelle l’open space de 9 m de hauteur

 

Ainsi définies, les bases du Passivhaus doivent engendrer un besoin de chauffage inférieur à 15 kW/h par m² et par an, là où le patrimoine moyen français est plutôt à 220 kW/h par m² et par an. « Nous en sommes aujourd’hui entre 30 et 50 kW/h par mètre carré et par an. La dernière réglementation thermique aboutit à des bâtiments 2 à 3 fois plus gourmands en énergie qu’un bâtiment passif. L’approche du passif étant basée sur la physique, elle ne pourra pas être optimisée. On ne sera pas impacté par le décret tertiaire », pointe Julien Rivat.

 

En bâtiment passif, la gestion des apports solaires est essentielle. Les brise-soleil sont donc impératifs pour protéger les menuiseries triple vitrage. Un bâtiment passif embarque obligatoirement une VMC double flux dont le rendement physique se situe au-delà de 75 à 80 %. Celle-ci comporte un bypass automatique capable d’adapter la température de l’air de la maison en fonction des conditions du moment.

 

Si en sortie d’hiver, la température dans la maison est de 18°C mais que l’air extérieur est à 22 ou 23°C, la VMC doit pouvoir faire entrer directement la chaleur à l’intérieur.

 

À l’inverse, s’il fait 25°C dans la maison durant une période de canicule mais que, en fin de nuit, il fait 20°C dehors, elle doit récupérer l’air frais et ventiler pour évacuer la chaleur de la maison.

 

En faisant l’acquisition de l’ancienne chaufferie de Manufrance à Saint-Étienne (42), Julien Rivat a démontré que l’on peut donner une deuxième vie à un bâtiment tout en améliorant ses performances thermiques. « Ce bâtiment, classé Monument historique, comporte deux ailes. L’une d’elle a été réhabilitée en Passivhaus et héberge les bureaux de notre agence d’architecture. Elle consomme entre 500 et 600 € de chauffage à l’année : c’est extrêmement faible. Notre voisin qui occupait l’autre aile du bâtiment, avec le même look extérieur, n’a pas souhaité la réhabiliter en 2015. Sa partie, chauffée au gaz, a fini par lui coûter 20 000 € par an. Il a dû déménager ».

 

Si l’institut allemand Passivhaus regarde uniquement la performance du bâtiment et ne prête aucune attention aux matériaux qui le constituent, La Maison du Passif prône plutôt les bâtiments décarbonés.

 

« Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que le passif est la solution. Bouygues et Spie Batignolles sont venus au dernier Salon Passibat’ organisé par La Maison du Passif. Nous avons beaucoup moins de mal à convaincre les grands acteurs de la construction de la pertinence de la construction passive. Des groupes de construction se forment au Passivhaus parce qu’ils se rendent compte que cela marche. Et je pousse Bouygues, Eiffage, Vinci, Léon Grosse… à aller dans cette direction », insiste Julien Rivat. Les mentalités changent. Il nous faut à présent accélérer pour préserver notre confort de vie…

 

 

 


Photo ouverture © JFA Jacques Ferrier architecture - Photo : Luc Boegly


Source : verre-menuiserie.com

L'auteur de cet article

photo auteur Jacques LE CORRE
Titulaire d’un DUT Information - Communication spécialisation Journalisme obtenu auprès de l’IUT de Bordeaux III, Jacques Le Corre est journaliste professionnel depuis 36 ans. Passionné par les grands enjeux économiques, il a relaté plusieurs grands défis industriels dans des magazines, notamment la construction du paquebot “Queen Mary 2” et la mise en place des programmes A380 et A400 M d’Airbus. Homme de terrain (texte et photos), il collabore avec V&MA depuis près de 4 ans.
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