Etat des lieux du logement : les nuages s'amoncellent
Lors de sa conférence de presse le 13 septembre, Olivier Salleron, président de la FFB, a dressé un état des lieux réaliste sur la conjoncture actuelle et l’emploi dans le bâtiment et enjoint un passage à l’action !
Conjoncture bâtiment : un équilibre fragile
Les éléments disponibles début septembre conduisent la FFB à réviser à la baisse ses prévisions pour 2023, où l’évolution de l’activité bâtiment ressortira proche de 0 % en volume. Deux segments l’expliquent : le logement neuf, qui recule plus rapidement qu’anticipé, et le non résidentiel neuf, qui ne progresse plus. Quant à l’emploi dans le bâtiment, sa phase de croissance continue depuis 2017 se referme.
En détail, la crise s’accentue dans le logement neuf. En glissement annuel sur sept mois à fin juillet 2023, les mises en chantier abandonnent déjà plus de 15 % et le mouvement ne peut que s’accentuer puisque les permis chutent de près de 30 %. D’ailleurs, la FFB ne relève aucune inflexion récente et l’individuel, plus réactif, affiche des plongeons respectifs de 21 % et 33 %.
À une situation tendue sur le marché du crédit sont venues s’ajouter les annonces catastrophiques du CNR logement relatives aux aides pour le neuf. Malgré le relèvement attendu du budget alloué à MaPrimeRénov’et le redéploiement de la commande publique locale, le "scénario si rien n’est fait"que présente la FFB depuis le début de cette année prend donc un tour de plus en plus réel.
En rythme annuel sur les sept premiers mois de 2023, les mises en chantier de logements atteignent péniblement 303 000 unités, comme en 1991, année précédant les points bas historiques de 1992 et 1993 (environ 275 000 unités). Si rien n’est fait dans le PLF 2024 pour enrayer la chute, chacun sait donc ce qu’il adviendra en 2024 et 2025. D’autant que la situation à l’amont de la filière reste très mauvaise, les ventes s’effondrant d’environ 35 % entre les premiers semestres 2022 et 2023, dans l’individuel diffus comme dans la promotion immobilière. Avec à peine plus de 150 000 unités en cumul sur douze mois à fin juin, les ventes aux particuliers définissent un plus bas depuis 2007 (année d’origine de la série), 75 000 unités de moins que la moyenne observée depuis cette date.
Le non résidentiel neuf déçoit encore. En glissement annuel sur sept mois à fin juillet 2023, les surfaces commencées abandonnent 19,2 %, sans changement de rythme récent, et les surfaces autorisées baissent de 1,5 %. Il n’y donc plus de relai à espérer de ce segment. Il faut toutefois signaler le retour de la commande publique. De fait, les bâtiments administratifs, qui pèsent pour 14 % du non résidentiel, ressortent en hausse de 8,4 % côté permis. Plusieurs développements hospitaliers l’expliquent, mais aussi de nombreux chantiers lancés par les collectivités locales, comme en atteste la hausse prévue de 2 % en volume de la dépense en bâtiment de ces acteurs.
Enfin l’amélioration-entretien, marché qui compte pour 54 % de l’activité du bâtiment, accélère un peu au deuxième trimestre 2023. Le chiffre d’affaires réalisé affiche + 2,4 % en volume sur un an. Il en va de même de la rénovation énergétique, avec + 2,3 %.
Le bâtiment reste créateur d’emploi sur l’ensemble du premier semestre 2023
Compte tenu de ces évolutions et de la dynamique enregistrée sur le premier trimestre, le bâtiment reste créateur d’emploi sur l’ensemble du premier semestre 2023 avec, en solde net, 2 600 postes de plus qu’au même semestre de 2022. Plus en détail, la hausse des effectifs salariés de 2 900 unités fait plus que compenser les 300 postes intérimaires en équivalent-emplois à temps plein (ETP) perdus.
Toutefois, entre les deuxièmes trimestres 2022 et 2023, l’emploi salarié commence à se replier, de -1 800 postes précisément, alors que l’emploi intérimaire affiche 1 000 postes ETP de plus. L’emploi global s’infléchit donc et semble s’accompagner d’un basculement vers l’intérim, sans doute du fait d’une prudence accrue des entrepreneurs face à des perspectives qui s’assombrissent.
Cette relative prudence joue probablement un rôle dans la résistance de l’appareil de production. Les défaillances d’entreprises de bâtiment progressent clairement sur un an, précisément de près de 39 % entre les huit premiers mois 2022 et 2023. Toutefois, la base de comparaison bénéficie encore de l’accompagnement public post-Covid-19. Plus économiquement, le nombre d’entreprises du bâtiment en procédure collective s’affichent toujours 4,6 % en-deçà des huit premiers mois de 2019.
Quant à la situation financière des entreprises, au deuxième trimestre 2023, les trésoreries se lisent à assez bon niveau pour toutes les tailles de structures. Par ailleurs, les marges opérationnelles affichent une petite hausse sur un trimestre, mais se maintiennent en-deçà de leur niveau d’avant-crise sanitaire. Avec l’accalmie relevée sur les coûts des matériaux, les anticipations, par les entrepreneurs, de hausses de prix bâtiment ralentissent. Enfin, les défaillances d’entreprises restent contenues dans le bâtiment, encore 4,6 % en-dessous de leur niveau des huit premiers mois de 2019.
Au global, l’activité dans le bâtiment croît faiblement (+ 0,7 % en volume) en glissement annuel sur le premier semestre 2023. Les carnets de commandes encore garnis permettront de terminer l’année sur une quasi-stabilisation (- 0,2 %). Il en va de même de l’emploi, étale ou presque (+ 0,2 %) entre les premiers semestres 2022 et 2023, les 2 900 postes salariés créés se trouvant déduits des 300 postes intérimaires en équivalent-emplois à temps plein détruits. Le second semestre s’inscrirait en ligne.
En synthèse et pour mémoire, à l’horizon 2025, si rien n’est fait, donc si l’on laisse la crise du neuf s’enclencher, l’activité bâtiment reculera d’environ 8 % hors effet prix, soit 14 Md€ en moins. S’en suivra une réelle montée des défaillances et une chute de l’emploi, avec près de 150 000 destructions de postes, salariés et intérimaires ETP confondus
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