Bilan et prévisions de la FFB : rebond du marché de la rénovation et frilosité du neuf
Dans une conférence de presse donnée ce matin, Olivier Salleron, président de la FFB, a dressé un bilan et une prospective du bâtiment en demi-teinte.
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2022, le bâtiment tient
Le président de la FFB (Fédération Française du Bâtiment) s’est ainsi exprimé ce matin :
Malgré le ciel de traine de la Covid-19 et le déclenchement de la guerre en Ukraine, 2022 ressort comme une bonne année en termes d’activité pour le bâtiment. Les permis de construire dans le logement neuf s’inscriront en hausse de 3,1 % en 2022, ce qui masque une envolée de 11,7 % dans le collectif et un recul de 7,1 % dans l’individuel. La FFB table toutefois sur une baisse de 1,9 % des logements commencés en 2022, à 394 000 unités. De fait, après une première moitié d’année portée par la dynamique de 2021 et les anticipations de l’entrée en vigueur de la RE2020, la seconde souffrira de la dégradation de la situation générale. Au global, grâce à cet assez bon début d’année, singulièrement dans l’individuel, la production en volume des entreprises affichera une hausse de 5,1 % en 2022.
Après deux années de marasme, le non résidentiel neuf connaitra enfin un rebond d’activité. De fait, les surfaces autorisées et commencés ressortiront en hausses respectives de 6,2 % et 4,9 % en 2022. Les bâtiments industriels (y compris locaux logistiques), les locaux commerciaux et les bureaux afficheront les plus fortes progressions.
Pour les deux premiers segments, les surfaces mises en chantier progresseront de 15,6 % et 13,1 % ; les surfaces autorisées de 6,9 % et 28,2 %. Pour les bureaux, l’inflexion s’avère plus récente et ne concernera que les permis, en hausse de 18,5 %, alors que les surfaces commencées reculeront encore de 7,5 %. Hors effet prix, l’activité en non résidentiel neuf progressera de 6,6 % en 2022.
Quant à l’amélioration-entretien, l’année s’avère en demi-teinte. La FFB retient une hausse de chiffre d’affaires de 2,1 %, mais espérait beaucoup plus. Le contexte général, mais surtout la crise du marché des CEE et la fin prématurée du crédit d’impôt en faveur de la rénovation énergétique des locaux des TPE-PME sont venus contrebalancer l’essor de MaPrimeRénov’ et les effets du plan de relance en termes de rénovation des bâtiments d’État.
Au global, la production du bâtiment s’inscrira, hors effet prix, en hausse de 3,7 % en 2022. C’est un peu moins que les 4,3 % initialement prévus en fin d’année dernière et le niveau d’activité d’avant-crise sanitaire reste à atteindre. L’emploi dans le secteur progressera de 15 000 postes en 2022, y compris intérim en équivalent-emplois à temps plein. Après intégration des artisans non-salariés, le bâtiment comptera donc 94 000 actifs de plus qu’en mars 2020. Il en découle une baisse de productivité en tendance, due pour une large part à la désorganisation des chantiers née de la pandémie, puis des difficultés d’approvisionnement. Elle se traduit aussi en choc sur les trésoreries, donc en fragilisation des entreprises, alors que le remboursement des PGE a commencé.
L’amorce d’une crise du neuf en 2023
La FFB retient un PIB en modeste croissance de 0,4 % en 2023. Sous l’hypothèse d’absence de nouvel affolement des prix de l’énergie, l’inflation se tasserait au second semestre, la ramenant à 4,3 % en moyenne annuelle. Le marché du crédit resterait toutefois sous tension, avec des taux d’intérêts à l’immobilier un peu au-delà de 3 % en moyenne sur l’année, un taux d’usure et des règles du HCSF continuant à mordre, et enfin une prudence renforcée des établissements de crédit face à une situation européenne et mondiale assez incertaine.
Le recul des permis de logements se transformerait alors en effondrement de 21,3 % en 2023. De fait, alors que les ventes reculaient de plus de 30 % dans l’individuel et de près de 15 % dans le collectif en 2022, l’environnement retenu ne permet pas d’envisager une compensation en 2023. L’impact sur les logements mis en chantier s’observerait immédiatement, avec un repli global de 8,6 %, et même de 13,1 % dans l’individuel. Compte tenu des délais de production et du niveau actuel des carnets de commandes, soit un peu plus de 7 mois en moyenne toutes tailles d’entreprises, tous territoires et tous métiers confondus, l’activité associée ne reculerait cependant "que" de 2,6 %. Dans le non résidentiel neuf, les surfaces autorisées s’infléchiraient, à - 0,8 %. La baisse se révèlerait plus nette encore pour les bâtiments administratifs, à - 2,5 %, les collectivités locales privilégiant la rénovation du parc existant. Néanmoins, la dynamique des permis relevée en 2022 porterait les mises en chantier de 2023, qui s’afficheraient en hausse de 2,7 %. La production ressortirait alors en hausse de 1,7 %.
Pour l’amélioration-entretien, la FFB s’attend à une progression assez rapide de la rénovation énergétique, à + 2,6 %. Elle sera tirée par MaPrimeRénov’, un marché des CEE qui s’est redressé, le retour du crédit d’impôt pour la rénovation des locaux des TEP-PME, le plan de rénovation des écoles annoncé par le Président de la République lors des « 24h du bâtiment » et un contexte plus favorable aux économies d’énergie. Cette évolution favorable se trouverait toutefois contrebalancée par une baisse des travaux non énergétiques, dans un environnement incitant à la prudence. Ces deux composantes additionnées, l’activité en amélioration-entretien s’afficherait en hausse de 2 % en 2023.
Au global, malgré l’entrée dans la crise du logement neuf, la production du bâtiment s’afficherait en petite hausse de 0,7 % en 2023, hors effet prix, soit encore 0,8 % en-deçà du niveau de 2019. Il faut aussi signaler que la crise du logement neuf pourrait s’installer dans le temps, suite à la chute des permis prévue pour l’année prochaine. Compte tenu du surplomb passé de l’emploi sur l’activité, les effectifs se stabiliseraient en 2023, y compris intérim en équivalent-emplois à temps plein. D’autant plus que les difficultés de recrutement s’intensifieraient. Reste la question de l’évolution de la sinistralité dans le bâtiment, largement conditionnée par celle des coûts supportés par les entreprises, à nouveau orientés en forte hausse.
Assurance chômage, les pistes de la réforme
Concernant le régime d’assurance chômage, la FFB soutient les pistes de réforme en cours. Le dispositif d’indemnisation français ressort bien plus favorable que beaucoup de systèmes étrangers si l’on prend en compte le niveau et la durée d’indemnisation, et c’est tant mieux. Néanmoins des réformes sont indispensables. Le déficit de notre régime de retraite atteint 64 Md€ à fin 2021 et le taux de chômage reste à 7,3 %, alors que dans la plupart des secteurs, les entreprises éprouvent de grandes difficultés à recruter.
Nous soutenons ainsi la réduction des durées d'indemnisation de 25 % lorsque le marché du travail est porteur et permet un retour à l’emploi plus aisé. Il est en revanche justifié de maintenir la durée d’indemnisation si la conjoncture s’avère moins propice à retrouver un travail. Cet effet contracyclique permettra de conserver un équilibre entre protection des demandeurs d’emploi et incitation à reprendre un emploi visant à permettre une réduction des difficultés de recrutement. Nous sommes également favorables au fait d’assimiler un "abandon de poste" à une démission et donc à ne pas permettre l’indemnisation, mais aussi au fait de supprimer l'accès aux allocations chômage en cas de refus réitérés d’un CDI à la suite d’un CDD ou d’un contrat d’intérim sur le même poste, au cours des douze derniers mois.
Projet de loi "Asile et Immigration"
Enfin, la FFB suit de près le projet de loi "Asile et immigration". Compte tenu des déclarations récentes de plusieurs ministres, ainsi que des éléments à notre disposition, un titre de séjour "métier en tension" semble envisagé. La FFB prend acte de cette orientation, notre profession étant très créatrice d’emplois. Il resterait toutefois nécessaire de distinguer le cas d’une personne qui exerçait une activité professionnelle en situation régulière et n’a pas vu son titre de séjour renouvelé de celui d’une personne ayant toujours été en situation irrégulière. La Fédération souhaite que l’apprentissage du français ne soit pas financé par les seules entreprises, alors que celles-ci contribuent déjà largement aux différents dispositifs de formation professionnelle. Il est également indispensable de s’assurer que les personnes pouvant bénéficier d’un titre de séjour "métier en tension" aient les compétences requises pour travailler sur les chantiers ; le simple fait d’intervenir sur un chantier en situation irrégulière ne saurait l’assurer.
De plus, la FFB rappelle sa proposition, portée lors des Assises du BTP, de limiter la sous-traitance en cascade à deux ou trois niveaux. Au-delà, en effet, la multiplication des intervenants peut favoriser en bout de chaîne des situations de travail illégal. La Fédération renouvelle également sa demande d’un contrôle accru des chantiers, notamment en soirée et pendant les week-ends. La Carte BTP mise en place depuis plusieurs années, à l’instigation de la profession, facilite ce contrôle. Tous les salariés qui "accomplissent, dirigent ou organisent, même à titre occasionnel, secondaire ou accessoire" des travaux de bâtiment ou des travaux publics doivent l’avoir en leur possession. Enfin, il serait important de répondre, dans le projet de loi, à la problématique du droit au séjour des jeunes étrangers ayant bénéficié d’un contrat d’apprentissage et justifiant d’une embauche à leur majorité, mesure portée par la FFB lors des élections législatives de juin 2022.
© Groupe Duval - Mandel