FabLab : la dynamique est enclenchée
Ces espaces, d’un genre nouveau, facilitent le travail collaboratif et l’innovation. Sous quelle(s) forme(s) apparaissent-ils dans le secteur du verre et de la menuiserie.
« Entre agilité et créativité, des ateliers 4.0, plus ou moins ouverts, sont investis par les industriels, soit pour accélérer la R&D, soit pour apporter de nouveaux services à leurs clients »
Depuis une vingtaine d’années apparaissent dans le monde entier des lieux collaboratifs, baptisés "tiers lieux", qui désignent des réalités diverses, mais ont comme dénominateur commun d’investir un espace physique, le plus souvent animé par une équipe où des communautés hybrides viennent travailler, partager des projets, utiliser des équipements, etc. Parmi eux, le plus connu est le FabLab, dont le nom est issu du Massachusetts Institute of Technology.
Qu’est-ce qu’un FabLab ? Un anglicisme qui désigne un "laboratoire de fabrication". Plus concrètement, il s’agit en théorie d’un lieu ouvert au public. « Différentes sortes d'outils sont mis à sa disposition comme des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d'objets », nous apprend France Num, le portail de la transformation numérique des entreprises (https://www.francenum.gouv.fr). Atelier d’un nouveau genre, ces lieux d’expérimentation misent sur le collaboratif pour faire émerger des créations.
© Dickson Constant
Entreprise inspirante, Dickson Constant regroupe en coworking, chefs de marché,
service R&D, bureau de design… pôle Innovation et véritable laboratoire d’idées libérées
dans des espaces aménagés favorisant la créativité et les échanges dans un confort
et bien-être étudiés
Les ateliers de fabrication numérique
En France, différents lieux spécialisés dans la fabrication numérique existent, certains ouverts au grand public, d’autres réservés à des professionnels. Un rapport réalisé par les cabinets de conseil Ocalia et Terre d’Avance "lieux d’innovation" et publié par la DGE(1) dresse un panorama des Ateliers de Fabrication Numérique (AFN) – dont les FabLabs font partie – et souligne leur grande diversité.
Les auteurs notent qu’un peu plus de la moitié des AFN (55 %) développent une offre généraliste, les autres (45 %) une offre plus spécialisée dans une quinzaine de secteurs tels que le bois (Xylolab à Epinal par exemple), l’Internet des objets (FabMSTIC, le FabLab de l’Université de Grenoble qui a mené au mois de mars un projet d’étude sur une fenêtre de faible émissivité) ou l’impression 3D céramique (8 FabLab à Crest dans la Drôme). Les spécialisations semblent en lien avec le tissu économique local. Plus de la moitié de ces établissements proposent la privatisation de l’espace, des prestations en sous-traitance (production de petite série ou d’objets à façon) et des prestations de conseil.
Recherche & développement
Dans le secteur de l’industrie du verre et de la menuiserie, le recours au concept semble encore timide – certains industriels ont décliné notre demande d’interview, argumentant qu’il était encore trop tôt pour évoquer des projets en phase d’élaboration – et assez hétérogènes. Avec deux grands types d’objectifs. Plus ou moins ouverts, soit les FabLabs identifiés dans le secteur ont été créés par les industriels eux-mêmes au service de la R&D ou de leurs clients, soit sont issus d’initiatives extérieures et utilisés dans le cadre de sous-traitance. Les deux types de structures cohabitent. Interrogé sur ce sujet, AGC Glass répond disposer d’un "Design Lab", hébergé par AGC Technovation Center (ATC) à Gosselies en Belgique.
« Cet espace est exclusivement dédié au personnel de notre entreprise qui y réalise du prototypage rapide », commente Valérie Vandermeulen, directrice marketing et communication AGC Glass France. Ce qui n’empêche pas le verrier d’être membre d’un fabLab extérieur, celui de la région Charleroi Metropole, le Fab-C, un atelier de fabrication numérique ouvert à tou(te)s, et de faire appel à ses services, également pour du prototypage rapide. Les deux démarches se complètent. De son côté, Rehau s’est doté de FabLabs en interne, mais pas en France. « À Berne en Suisse et à notre siège en Allemagne, Rehau dispose de FabLabs transdivision qui travaillent sur des thématiques comme le digital (et par exemple les market-place) et les nouvelles solutions Smart. L’organisation dans notre entreprise étant très centralisée, je n’y suis allé qu’une seule fois, il y a quatre ans, dans le cadre d’un projet qui aboutit au lancement d’un produit cette année », témoigne Maxime Boileau, responsable marketing communication division Window Solutions France chez Rehau. Pour lui, « un FabLab est un accélérateur pour créer le business model de demain ou apporter davantage de rentabilité dans la production de produit ».
© Rehau
Maxime Boileau, responsable marketing communication
division Window Solutions France chez Rehau
Sous-traitance
SFS, le spécialiste des fixations, externalise certaines tâches auprès de FabLabs tiers. « Nous avons notamment fait appel à plusieurs reprises au 8FabLab, basé à Crest, pour des impressions 3D », déclare Lionel Mallebay, ingénieur responsable produits fixations chez SFS. La structure juridique qui porte le 8FabLab est une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) qui réunit aujourd’hui 75 sociétaires (associations, entreprises, particuliers et 3 collectivités publiques), et dont SFS est le client.
© SFS
L’agrafe "eclip’s" de SFS : ici le produit fini
© SFS
L’agrafe "eclip’s" de SFS : ici le produit fini
Cet établissement oriente son offre vers les entreprises, mais accueille également les bricoleurs, les geeks, les enfants, comme en témoigne son site Internet (8fablab.fr). « Les FabLabs sont des structures légères, très réactives, qui nous font gagner un temps précieux pour la modélisation de concept », se félicite Lionel Mallebay. La conception d’un produit nouveau s’en trouve fluidifiée. En outre, ajoute-t-il, « ces espaces de coworking réunissent un plateau de compétences multiples, dont les services ne se limitent pas à l’impression 3D ». Le secteur de la menuiserie peut faire appel à ces FabLabs pour la validation de profilés et de petites pièces…
© SFS
Lionel Mallebay, ingénieur responsable produits fixations chez SFS
Espaces orientés client
A l’autre bout de la chaîne, les industriels se mobilisent pour soutenir les innovations de leurs clients. Ainsi, Reynaers Aluminium a ouvert son FabLab en 2020. « L’objectif est d’inviter nos clients à vivre une expérience complète, de la prescription des produits à la fin de la production, voire à la mise en chantier », explique André-Charles Fasques, directeur technique.
© Reynaers
André-Charles Fasques, directeur technique de Reynaers
Lieu d’échanges et de démonstrations, le FabLab est situé au siège social de Reynaers en France. Il est ouvert à tous les clients fabricants qui souhaitent tester des outils et mieux appréhender la digitalisation. « L’espace comprend plusieurs zones, avec une partie "inspiration" dans laquelle les outils sont à la disposition des visiteurs », précise-til. Les fabricants peuvent entrer en salle de réalité virtuelle (Avalon), se familiariser avec le configurateur de menuiserie 3D World of Reynaers, etc. Un showroom leur permet de toucher les produits, de voir les couleurs. La zone "Conception" leur permet de s’asseoir autour d’une table pour travailler, créer leur maquette BIM, modéliser, etc. L’espace "Commande" permet de découvrir les outils de prise de commande et de traitement, de chiffrer le projet. « En un clic », commente André-Charles Fasques, « l’on passe du bureau d’études à l’atelier, le fabricant peut alors commencer à usiner les barres, il peut appréhender l’ensemble du parcours et voir toutes les étapes de la production (débit, usinage, sertissage, emballage) ». Un dashboard complet rend compte du travail effectué. « Le FabLab nous apparaît indispensable pour cette démonstration d’industrialisation et aider nos clients à faire évoluer leur parc machine, les retours sont très positifs », poursuit-il. L’outil, qui a nécessité un investissement de près de 500 000 €, atteste du savoir-faire de Reynaers en matière d’accompagnement à l’industrialisation. Du pur 4.0.
© Reynaers
L'entrée du FabLab de Reynaers
© Reynaers
L’atelier au sein du FabLab Reynaers
Technoform digitalise la coconstruction
© Technoform Thibaud Durousset, responsable de
Chez Technoform, la coconstruction se déroule intra-muros mais en mode collaboratif avec plusieurs entités, ce qui n’empêche pas une certaine agilité. « Quand il s’agit de développement, nous travaillons en réseau avec des collègues basés dans différents pays afin de confronter les besoins, nous utilisons une plateforme d’innovation pour faciliter les flux entre nos entités », indique Thibaud Durousset, responsable développement marché. La plateforme fédère les compétences nécessaires au projet. « Nous y échangeons un peu comme sur un réseau social, nous pouvons y "liker" une idée, récolter des avis en interne, partager des avis techniques pour, finalement, prendre des décisions éclairées avant d’enclencher un projet », résume-t-il. Technoform s’appuie sur les outils digitaux en interne pour coconstruire ses solutions. Avec ses clients, l’industriel utilise un autre outil (Mural App, un mur collaboratif pour le travail à distance). « Ouvert à nos partenaires, ce support digital permet à chacun de visualiser le projet et les interventions des autres, nous pouvons y apposer des post-it par exemple, etc. », détaille Thibaud Durousset. Les séances de brainstorming, agiles, permettent de tester des hypothèses. Côté créativité, admet-il, « les idées émergent au sein des équipes, mais également chez les clients, c’est la rencontre des deux sources qui déclenche un processus d’innovation, lequel processus d’innovation avance étape par étape ». Du côté de la fabrication, l’industriel dispose d’une entité historique capable de réaliser des petites quantités très techniques. « Elle fabrique des prototypes sur mesure », précise-t-il. Dans certains cas, Technoform a recours à une imprimante 3D pour visualiser les pièces et bénéficier d’un rendu réaliste.
© Technoform Technoform France à Genas (69), site dédié aux solutions thermiquement optimisées |
Libre-service
Marion Villard, responsable marketing produits Technal, n’en démord pas : « Technal a mis en place des espaces collaboratifs il y a 50 ans avec ses agences renommées depuis Point Services, puis plus récemment Espaces Technal ». Au total, onze entités maillent le territoire. En septembre 2021, la dernière en date a été inaugurée à Marseille (13) après Alfortville (94), Bordeaux (33), Gennevilliers (92), Montpellier (34), Rennes (35), Toulouse (31), Nantes (44), Lille (59), Strasbourg (67) et Lyon (69). « L’idée est de partager l’expérience de la marque avec davantage de proximité et de dédier aux clients une équipe pluridisciplinaire pour les accompagner », argumente-t-elle.
© Technal
L’Espace Technal à Marseille
Chaque espace présente quatre zones : le showroom qui met en lumière l’ensemble des solutions bas carbone de la marque et les dernières nouveautés comme les produits phares (porte repliable XXL Ambial, coulissant à frappe Tigal, coulissant à ouvrant caché Lumeal, gamme performante de portes, fenêtres et coulissants Soleal, pergola motorisée Suneal... ), l’atelier de fabrication en libre-service qui met à la disposition des clients, les machines et l’outillage nécessaires à la réalisation des menuiseries Technal. La zone de stockage propose plus de 800 références et permet aux clients de disposer de profilés standards sur simple demande.
Enfin, un espace collaboratif est équipé des logiciels facilitant l’établissement d’un devis précis sous 48 heures (pour les projets standard). Les normes, réglementations, documentations techniques et commerciales sont également à la disposition des artisans. Dans ces espaces, résume Marion Villard, « le client arrive avec son besoin (par exemple, la conception d’une véranda ou la fabrication de x fenêtres pour répondre à tel projet) et il bénéficie d’un accompagnement technique (conception, chiffrage, fabrication). Le technicien l’aide, par exemple, à utiliser l’outil de chiffrage TechDesign ». Plus que de simples lieux techniques destinés à la fabrication et à l’approvisionnement de pièces en stock, « ces Espaces Technal sont aussi des sites d’accueil conviviaux pour conseiller les professionnels, des espaces de réunion et de réception... bref des espaces de vie a? part entière », poursuit la responsable marketing produits. Showroom présentant l’ensemble de l’offre, espace de coworking connecte? dont des salles de réunion baptisées 4114 en référence au Club du même nom, espace détente, grand atelier de fabrication, zone de stockage... ces établissements se veulent le reflet du positionnement de Technal. « Les clients peuvent évidemment y venir avec leurs propres clients ou partenaires, l’usage de l’outil est totalement gratuit, notre objectif étant de former nos clients et de les rendre autonomes », conclutelle. Et de fédérer autour de la marque en misant sur la proximité.
© Installux
Le showroom et le Lab d’Installux, espace de documentation et d’expérience client – que ce soit pour l’utilisateur final
ou pour leur client fabricant – au coeur des développements de l’industriel
Quels usages professionnels dans les FabLabs ?43 % des utilisateurs professionnels déclarent avoir recours à un atelier de fabrication numérique (AFN) pour du prototypage, 35 % pour de la conception/modélisation d’objets et 33 % pour la fabrication de produits finis. Il semble que les professionnels aient en revanche moins recours à la formation (27 %) mais participent à des projets collaboratifs (23 %) ou à des animations (22 %). En outre, les AFN ciblant les entreprises structurent davantage leurs offres que les autres. Parmi les outils présents dans ces espaces, l’imprimante 3D arrive en tête devant les outils de découpe (vinyle et laser), la fraiseuse numérique et le scanner 3D. (Source : « La dynamique des ateliers de fabrication numérique en France ». Dossiers de la DGE, juin 2020). |
Point Services TechnalLe PST historique du gammiste, créé initialement à Saint-Jean-de-Védas (34) en 1961, incarne la relation de proximité chère au groupe et clé de sa réussite. Ce concept d’accompagnement, spécifiquement développé pour les professionnels fabricants, installateurs, artisans… mais aussi ouvert aux particuliers et aux architectes, offre ici tous les leviers pour fertiliser l’activité naissante ou artisanale de ses clients. Pour Robert Gaona, nouveau gérant et responsable du PST montpelliérain, arrivé en mars 2020, « le Point Services Technal se définit comme une pépinière propice à faire grandir les projets, qu’il s’agisse de petites ou moyennes structures. Notre organisation s’appuie sur notre pluridisciplinarité assurant l’assistance commerciale et technique : de l’aide au chiffrage, à l'enregistrement et suivi des commandes jusqu’à l’usinage, le montage des profilés et le suivi de chantier ».
© VMA |
L’avenir appartient-il aux Tiers-Lieux ?Espaces de coworking, FabLabs, friches culturelles… alors qu’ils étaient 1800 en 2018, les tiers-lieux sont désormais 2 500 (ouverts et en projet), dont 52 % en dehors des métropoles. Leur nombre devrait atteindre plus de 3 500 en 2022. Patrick Levy-Waitz, président de l’association France Tiers-Lieux, a remis le 27 août 2021 au Premier ministre, Jean Castex, le rapport "Nos territoires en action : dans les Tiers-Lieux se fabrique notre avenir !". Ce rapport met en évidence l’ampleur du phénomène des tiers-lieux et la forte croissance de leur nombre partout sur le territoire. Son auteur se félicite des engagements pris par le Gouvernement avec notamment le développement de 100 Manufactures de Proximité : tierslieux de production, elles offrent un espace de travail et un parc machine partagés au coeur des territoires pour permettre aux artisans, TPE, PME et entrepreneurs de développer leur activité économique tout en mutualisant moyens et compétences. Parmi les autres mesures annoncées par le Gouvernement, notons le déploiement de la formation professionnelle dans les tiers-lieux (50 M€ ), la mise en oeuvre de 3 000 missions de Services Civiques dans les tiers-lieux, la mise à disposition de Conseillers numériques France Service (au nombre de 4 000) et le renforcement du maillage national et territorial du réseau de tiers-lieux (l’État finance en amorçage la structuration des réseaux régionaux de tiers-lieux, ainsi que France Tiers-Lieux pour l’animation nationale). |
© AGC Glass