RE2020 : de fortes demandes de report à 2022 et de rabotage des exigences
La lutte entre les Conservateurs et les Progressistes est arbitrée par le président du CSCEE. Un compromis doit être trouvé, car le Gouvernement n’envisage pas de reporter la publication des textes.
Le CSCEE (Conseil Supérieur de la Construction et de l’Efficacité Energétique) s’est réuni, mardi 12 janvier 2021, pour tenter de parvenir à une synthèse des différentes demandes de ses membres à propos de la RE2020. Nous n’y sommes pas encore et, selon diverses indiscrétions, la séance a été animée.
Deux camps sont en présence. Premièrement, ceux que nous baptisons « les conservateurs » pour les besoins de cet article, c’est-à-dire principalement les organisations professionnelles – Union Sociale pour l’Habitat (USH), la Fédération de la Promotion Immobilière (FPI), l’Union des Maisons Françaises, la Fédération Française du Bâtiment (FFB) et, à un moindre degré semble-t-il, la Capeb – demandent à la fois le report de l’entrée en vigueur de la RE2020 à 2022 et le rabotage des niveaux d’exigences.
Accélérer fortement la transition vers le bois, en dépit des efforts entrepris par les industriels de la brique, du ciment et du béton dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone de mars 2020, paraît une mauvaise idée. ©PP
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Report, rabotage et résistance
Ces organisations se présentent comme « la profession du bâtiment » et soulignent qu’on ne peut pas ignorer leurs demandes. Pourtant, ces deux demandes présentées simultanément semblent contradictoires.
Demander un report parce que les exigences sont élevées est une chose. Demander à la fois un rabotage des exigences et un report parce que les exigences sont trop élevées est incohérent. En réalité, les conservateurs souhaitent une RE2020 peut différente de la RT2012, mais ils ne peuvent pas vraiment le dire.
En face, ceux que nous appellerons « les Progressistes » – avant tout les fédérations de BE et d’architectes, les économistes de la construction et même les représentants des Bureaux de Contrôle - estiment que la RE2020, finalement, est bien construite et ne veulent ni report, ni rabotage.
Un verdissement des activités engagée avec la Stratégie nationale bas carbone
Tout au plus, les progressistes soulignent qu’à travers la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), tous les industriels, dont ceux des matériaux de construction, sont engagés dans un verdissement de leurs activités. Et que l’ACV dynamique, introduit dans la RE2020 presque par effraction, accélère brutalement le basculement vers la construction bois. Ce que la SNBC, pourtant récemment révisée en Mars 2020, n’envisageait pas du tout.
Il ne leur semble pas raisonnable, voire même tout à fait incohérent, de demander une soudaine accélération qui ne sera pas possible sans un recours massif à l’importation de bois de construction. Même la Fédération du négoce de bois et des matériaux de construction, devenue FDMC (Fédération des Distributeurs de Matériaux de Construction) le 3 janvier, souligne que les filières industrielles et la distribution ont besoin d’un horizon prévisible et stable pour s’organiser en vue du bas carbone. Bref l’accélération sans concertation ne convient à personne.
En collectif, la généralisation de la construction bois même en 2050 n’apparaît clairement pas réaliste. Respectons la SNBC, demandent plusieurs organisations syndicales du monde de la construction, sans la nier moins d’un an après son actualisation. ©PP
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Les « Conciliateurs » et le compromis possible
Entre Conservateurs et Progressistes, un troisième groupe émerge, dont font notamment partie Christophe Caresche, le nouveau Président du CSCEE et Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable, qui travaillent à l’élaboration d’un compromis. Plusieurs formules sont possibles, mais celle qui semble tenir la corde est la suivante : report de l’application à début 2022, sans rabotage des exigences de la RE2020, mais peut-être aussi sans l’ACV dynamique ou bien en repoussant son entrée en vigueur.
Comme le Gouvernement n’envisage pas de repousser la publication des textes de la RE2020, toujours prévue pour avril 2021, un rapide rétroplanning montre qu’un compromis, quel qu’il soit, doit émerger au CSCEE début février au plus tard. En même temps, l’avis du CSCEE n’est que consultatif. Néanmoins, le Gouvernement doit attendre qu’il soit rendu, même s’il n’en tient pas compte.
Dans le même temps, le Plan Bâtiment Durable a commencé, à peine mais tout de même, à développer le futur label d’Etat qui accompagnera la RE2020. Le Plan Bâtiment Durable doit attendre la parution du détail de la RE2020 pour caller son label. La parution du label semble désormais prévue pour le début 2022 et pourrait être exécutée en deux temps.
Le futur label d'Etat à l'étude
Dans un premier temps, ce label énergétique et environnemental pourrait prévoir l’accélération des plafonds : lorsque la RE2020 prévoit un plafond en 2024, le label l’exigera dès sa propre parution, les plafonds 2027 de la RE2020 seraient appliqués par le label dès 2024, etc.
Dès le début, le label contiendrait aussi un certain nombre de dispositions que les autres labels – Effinergie, HQE GBC, la démarche issue du Bâtiment Durable Méditerranéen (BDM) qui a essaimé dans d’autres régions et même BBCA – expérimentent déjà depuis plusieurs années. Par exemple, Effinergie a développé un outil de calcul de l’influence environnementale de la mobilité pour ses propres labels et cet outil pourrait être facilement incorporé au futur label d’Etat accompagnant la RE2020.
Dans un second temps, l’introduction d’éléments plus environnementaux, de l’économie circulaire, la réapparition du Bepos, la prise en compte de la biodiversité, … demandent encore beaucoup de travail et de concertation et pourraient apparaître seulement fin 2022 ou début 2023.
Que vont devenir les labels comme BBCA, Effinergie, etc. ?
D’ailleurs, si la RE2020 est considérée comme de bon niveau et qu’un label d’Etat exigeant l’accompagne, on peut se demander ce que vont devenir tous ces autres labels. Nous avons demandé à Yann Dervyn, directeur du Collectif Effinergie, ce qu’il en pensait.
Il souligne tout d’abord que la RE2020 porte sur la construction neuve et qu’Effinergie pourrait parfaitement réorienter tous ses efforts vers la massification de la rénovation des bâtiments existants.
En construction neuve, dit-il, deux stratégies sont concevables pour Effinergie. Premièrement, en fonction du détail des dispositions de la RE2020, les labels Effinergie dans le neuf pourraient combler les manques de la RE2020, peut-être sur la qualité de l’air intérieur, sur la prise en compte de la performance énergétique à l’échelle du quartier, …
Deuxièmement, toutes les associations comme Effinergie, BBCA, HQE GBC, … pourraient s’associer avec le Plan Bâtiment Durable pour mettre au point un label exigeant, montrant un horizon de progression sur plusieurs décennies et faisant consensus – Philippe Pelletier va apprécier le mot consensus – qui serait ensuite porté par toutes les associations et par l’Etat.
En tout état de cause, souligne Yann Dervyn, une fois que la RE2020 sera publiée, les administrateurs du Collectif Effinergie devront rapidement préciser leur stratégie pour l’avenir.
Rappelons-nous que tous ces débats portent seulement sur les maisons individuelles neuves et sur le logement collectif neuf, puisque nous n’avons toujours aucune idée de la manière dont le tertiaire sera traité par la RE2020.
© AFP