Bilan 2018 et perspectives 2019 du marché français des produits de construction
Hervé de Maistre, président de l’Association française des industries des produits de construction (AIMCC) a présenté le 16/01/19, les résultats de la 3e édition de l’enquête d’opinion « Tendances Conjoncture AIMCC ».
Cette étude menée auprès des 80 organisations professionnelles membres de l’association permet de dresser un bilan de l’année 2018 et d’établir une photographie des perspectives du marché français de l’ensemble des produits entrant dans la construction (gros oeuvre, second oeuvre et équipements).
2018 : Une dynamique freinée dans son élan
Lors de la précédente édition de l’observatoire « Tendances Conjoncture AIMCC », en janvier dernier, après une année 2017 plutôt dynamique dans le secteur du BTP, les indicateurs laissaient entrevoir une poursuite de la croissance en 2018. Mais dès les premiers mois, le niveau d’activité attendu n’a pas été au rendez-vous. Intempéries, reports de chantiers, difficultés de recrutement, conflits sociaux, rabotage des mesures de soutien du secteur, réglementation complexe, coûts des matières premières, de l’énergie, des biens intermédiaires et des transports… nombreux sont les facteurs venus contrecarrer les prévisions.
Si les premiers chiffres disponibles montrent une progression de l’activité du bâtiment, en 2018, supérieure à 2 % (vs 5 % en 2017), le nombre de mises en chantier de logements dépasse à peine les 400 000 (vs 428 000 en 2017). Le non résidentiel reste mieux orienté avec une progression supérieure à 7 %. Quant à l’entretien rénovation, la croissance d’activité est inférieure à 1 %. Côté Travaux Publics, les marchés sont portés par les grands projets des métropoles, comme ceux du « Grand Paris Express ». Si le chiffre d’affaires de ce secteur progresse de 10,5 % en 2018 (7 % en volume), de fortes disparités entre territoires urbains et ruraux sont cependant à noter.
L’enquête d’opinion menée auprès des fédérations adhérentes à l’AIMCC révèle que les deux tiers (65 %) des industriels affichent - en 2018 - des résultats stables ou en très faible progression, plus d’un quart d’entre eux sont en léger recul, alors qu’ils ne sont que 10,5 % à enregistrer une augmentation supérieure à 3 %.
Des différences notables sont à noter entre les trois principaux segments d’activité : près de 40 % des industriels du gros oeuvre ont vu un léger recul de leur activité, alors que la moitié des industriels du second oeuvre connaît une légère progression. Pour l’équipement, 80 % sont en légère progression.
© AIMCC
Ralentissement d’activité ou retournement de cycle ? A quoi s’attendre en 2019 ?
Contrairement à fin 2017 où les projections 2018 se montraient favorables au marché de la construction avec une évolution positive envisagée comprise entre 4 et 6 %, les industriels du secteur, n’ayant pu bénéficier de la croissance escomptée, se montrent plus prudents quant à leurs prévisions en ce début d’année 2019. Ainsi, plus de la moitié des répondants à l’enquête AIMCC ne prévoient qu’une légère progression de leur activité en 2019 comprise entre 1 % et 3 %, alors qu’un bon tiers table sur une stagnation.
En effet, de nombreux indicateurs convergent vers un ralentissement de l’activité conduisant, au mieux, à une stabilisation voire à un recul. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) prévoit ainsi un léger retrait de l’activité de - 0,5 % mais une chute de plus de 4 % des mises en chantier de logements neufs. Les Travaux Publics, en revanche, resteraient sur une bonne dynamique toujours portés par les grands projets urbains mais aussi soutenus par la relance du plan autoroutier et les dispositifs en faveur du renouvellement des réseaux d’eau potable et d’assainissement.
Alors que la France ne connaissait pas encore les effets de la crise des « gilets jaunes », le Fonds monétaire international (FMI) avait déjà revu à la baisse, à 1,6 %, sa prévision de croissance pour le pays en 2018 et 2019. Si l’impact des mois de novembre et décembre sur l’activité économique n’est pas encore totalement connu, il est bien réel (environ -0,2 % du PIB).
D’autres points de vigilance doivent être pris en considération dans les prévisions, comme l’impact de la Loi ESSOC sur le code de la construction, l’annonce des seuils de la future réglementation environnementale 2020, le prélèvement à la source, la limitation du PTZ neuf à 20 % dans les zones B2 et C, la suppression du dispositif d’investissement « Pinel » en zone B2, ou encore le dispositif de financement des mesures annoncées fin 2018 dans le cadre du conflit des « gilets jaunes » pour lequel les entreprises n’ont aucune visibilité alors qu’elles seront appelées à contribuer à l’effort national.
Retenons cependant un point positif pour la construction : les taux de crédit immobilier devraient peu évoluer en 2019 et rester très attractifs favorisant ainsi l’accession au logement ou sa rénovation. L’année 2019 apparait donc comme une année charnière et ce climat d’expectative vient enrayer la confiance des dirigeants d’entreprises du bâtiment. Si certains considèrent que 2019 sera une année de ralentissement, d’autres s’interrogent déjà sur un retournement d’activité après seulement trois années de reprise, rappelant que le niveau de fin 2015 était très bas.
Évolution du volume d'activité de l'ensemble des adhérents pour l’année 2018 et prévisions pour 2019 © AIMCC
Les attentes de la filière construction pour une reprise durable et un retour à la compétitivité des entreprises
Dans ce contexte d’incertitude, l’AIMCC rappelle que le retour vers une reprise durable de l’activité tout en maintenant la compétitivité de la filière des industriels de la construction ne pourra se faire qu’avec :
• Un retour des marges pour les entreprises, leur permettant d’investir dans les produits, les systèmes et les équipements de demain, et de maintenir le potentiel d’innovation et de recherche français ;
• Une maîtrise des coûts des matières premières, de l’énergie et des transports, dont la hausse impacte les industriels ;
• Un maintien des efforts pour la modernisation du parc industriel avec un soutien à l’économie circulaire et à l’investissement productif (Industries du futur) ;
• Une stabilité réglementaire, juridique et fiscale dans un cadre français et européen ;
• La mise en place de parcours de formations professionnelles pour répondre à la pénurie de main d’oeuvre qualifiée face à l’arrivée du numérique et des nouvelles technologies.
Par conséquent, l’AIMCC :
• demande qu’une politique industrielle forte et cohérente soit mise en place dans les régions afin de parvenir à un développement territorial équilibré ;
• et plaide pour une stabilité de l’environnement institutionnel (réglementaire, juridique et fiscal) dans le cadre français et européen, afin d’encourager les investissements, et de faciliter le pilotage de l’entreprise dans les domaines économiques et sociaux. Pour cela, l’AIMCC propose l’élaboration d’un cadre institutionnel stable pluriannuel débouchant sur une vision prospective du secteur industriel de la construction. A cet égard, le contrat du Comité Stratégique de Filière (CSF) qui sera signé le 13 février 2019 constitue une première étape positive.
L’engagement de l’AIMCC au profit de la compétitivité de la filière « Industries pour la construction »
Le Conseil national de l’industrie a labellisé, en avril 2018, une nouvelle filière intitulée « Industries pour la construction » dont l’AIMCC a été désignée animatrice par les Entreprises Générales de France – BTP (Syndicat national des entreprises générales françaises de bâtiment et de travaux publics), Syntec Ingénierie (Fédération professionnelle des entreprises d'ingénierie de France) et Routes de France.
Le contrat du Comité Stratégique de Filière « Industries pour la construction » sera donc signé le 13 février 2019 par les ministres de la Transition écologique et solidaire, de l’Économie et des Finances, et du Logement.
L’objectif de cet accord est de créer les nouvelles conditions de marché qui permettront à toutes les industries, en amont comme en aval, de résister à l’ubérisation numérique, de travailler la compétitivité coût et hors coût de la filière (énergie, carbone, transport et main d’oeuvre) et de maintenir le leadership de l’offre française.
Parmi les axes stratégiques, la filière a ciblé :
• La numérisation de la filière avec le projet « Boost Construction » pour éviter son ubérisation ;
• Le développement de l’économie circulaire avec les bâtiments réversibles et le zéro déchet, ainsi que des routes adaptées aux nouvelles fonctionnalités (énergie, sécurité routière, usage de partage…) ;
• La massification de la rénovation énergétique et la lutte contre les passoires thermiques ;
• La promotion à l’international des technologies de gestion urbaine via les « Démonstrateurs industriels pour la ville durable », avec le ciblage de 16 pays prioritaires, pour promouvoir les écosystèmes et technologies en « escadrille ». Dans la même veine, le projet de création d’un club 3S (Smart, Safe and Sustainable cities) est en cours.
Le Comité Stratégique de Filière « Industries pour la construction » va travailler en liaison avec les CSF « Ville Durable », « Eau », « Énergie », « Déchets », « Bois » et « Industries de sécurité » afin de contribuer à la promotion internationale des industries françaises, tout en s’appuyant sur ses vitrines locales, régionales et nationales.
Le contrat du CSF « Industries pour la construction » sera le premier à entrer en vigueur parmi les nouvelles filières du Conseil National de l’industrie avec des axes stratégiques qui seront mis en oeuvre et en pratique jusque dans les territoires. En matière de normalisation, il s’agit de soutenir l’influence de la France et la promotion à l’export de ses technologies en termes de gestion urbaine, d’économie circulaire et de numérisation.
Photo ouverture : © Kawneer