" Attention au retour de manivelle " prévient la Fédération française du Bâtiment
La Fédération française du Bâtiment est à la fois optimiste et très inquiète.
La conjoncture reste porteuse, mais les mesures gouvernementales ont déjà retourné la tendance en logement neuf. Le pire n'est pas exclu.
Le 12 juillet, la FFB - en l'espèce, Jacques Chanut, Président de la FFB, Patrick Vandromme, Président de LCA-FFB, les Constructeurs et Aménageurs membres de la FFB - a présenté sa perception de la conjoncture 2018, sa vision 2019 et ses projets pour la rentrée 2018.
La croissance se poursuit en tertiaire neuf : +13,3% en glissement annuel sur 5 mois à fin mai 2018 pour les surfaces commencées, hors bâtiments agricoles et hôtellerie. ©PP
Les ventes dans le logement neuf chutent sévèrement au 1er trimestre
En construction neuve, le tertiaire se porte très bien. Hors locaux agricoles et hôtellerie, les surfaces commencées augmentent de 13,3% en glissement annuel sur 5 mois à fin mai 2018, les surfaces autorisées progressent de 7,5%. Le secteur non-résidentiel, comme le dit la FFB, reste très porteur.
En logement neufs, c'est une tout autre affaire. Les ventes reculent nettement : -5,1% au premier trimestre 2018 par rapport au premier trimestre 2017. Dans le détail, les ventes en bloc - principalement le fait du monde du locatif social - s'effondrent de 19,3%. Les ventes au détail à accédants baissent de 11,4%. Les ventes au détail à investisseurs reculent de 7,4%.
Dans l'individuel diffus, la baisse, amorcée dès novembre 2017, atteint 14,3% en glissement annuel sur les 5 premiers mois de 2018 et s'étale sur tout le territoire français. Cette tendance affecte désormais les permis de construire qui, en glissement annuel sur les 5 premiers mois de 2018, baissent de 1,8%, tandis que les mises en chantiers accusent une perte de 4,3%. De plus, la tendance s'accélère : en glissement annuel sur les 3 premiers mois de 2018, ces baisses sont respectivement de 5,6% et 6,6%.
En logement neuf, la baisse est générale et se traduit déjà en réduction du nombre de permis de construire accordés et de mises en chantier. ©PP
Le résultat des mesures gouvernementales
Certes, les ménages ont un peu perdu confiance dans l'évolution économique depuis le début de l'année. Mais la FFB estime que l'essentiel de ce retournement de conjoncture en logement neuf est le résultat direct des mesures gouvernementales prises à l'automne dernier. La ponction sur la trésorerie des HLM et la baisse des APL avec compensation forcée par des réductions de loyers ont mis à mal la trésorerie des bailleurs sociaux et brident leurs possibilités d'investissement.
Les taux d'intérêt déjà très bas ne peuvent compenser ces pertes de trésorerie, ni pour les bailleurs sociaux, ni pour les ménages. Les ménages, en effet, sont directement désolvabilisés par la suppression des APL Accession, la suppression du " Pinel " (avantage fiscal pour l'achat d'un logement neuf destiné à la location) et le rabotage du PTZ (Prêt à Taux Zéro).
La FFB se souvient que des causes similaires en 2012 - rabotage du PTZ+, suppression du Scellier - avaient produit les mêmes effets, puisqu'il avait fallu plusieurs années de rétablissement de mesures appropriées avant de relancer le logement neuf.
Le secteur du logement social voit déjà le résultat des mesures prises à l'automne : baisse des APL, baisse des loyers, ponction sur la trésorerie des organismes.©PP
Les ménages sont désolvabilisés
Patrick Vandromme a indiqué que dans les zones A et B1 - les zones Abis, A, B1, B2 et C ont été créées en 2014 pour traduire la " tension du marché immobilier local " -, la seule suppression de l'APL Accession explique 40% de la baisse en logement neuf.
En zones B2 et C, la suppression de l'APL Accession compte pour 42% dans la réduction, tandis que le rabotage du PTZ explique 45% de la baisse. Ces deux seuls changements institutionnels expliquent donc environ 90% de la chute en logements neufs.
Le secteur de la maison individuelle neuve pâtit durement de la désolvabilisation des ménages : suppression des APL Accession, réduction du PTZ, suppression annoncée du PTZ en 2020, etc. ©PP
Exemple de désolvabilisation
Patrick Vandromme a fourni plusieurs exemples des conséquences déstabilisantes des mesures gouvernementales pour les ménages. En Région Occitanie, à Castelsarrasin (zone C, non-tendue), une famille de 5 enfants avec 2600 Euro(s) de revenus mensuels pouvait financer un projet d'accession en 2017, mais plus en 2018.
En 2017, un projet dont le coût total, maison + foncier, atteignait 265 000 Euro(s) pouvait être financé par un prêt PAS, un crédit classique, un PTZ de 92 000 Euro(s). Ces financements se traduisaient par une mensualité de 945 Euro(s) (36% de taux d'endettement), réduite à 763Euro(s) (29% de taux d'endettement) grâce à l'APL Accession.
En 2018, le taux d'endettement pour la même opération ressort à 38%. Ce qui rend infinançable cette opération d'accession. Cette réduction de solvabilité des ménages diminue directement l'activité de construction. Le gouvernement a annoncé la suppression du PTZ en 2020. Ce qui éliminera encore plus de dossiers d'accession et pèsera davantage encore sur l'activité.
D'autres mesures potentiellement négatives se profilent
Pire, le gouvernement semble ne pas être au bout de ses mesures anti-logement. La rénovation, notamment, ne viendra pas soutenir l'activité. Tout d'abord, dans le cadre du prélèvement de l'impôt à la source, seulement 50% du montant des travaux réalisés en 2018 et en 2019 ou des provisions en copropriétés seront pris en compte dans la fiscalité, avant d'être rétabli à 100% en 2020.
Résultat prévisible : les travaux non-indispensables seront repoussés à 2020. Ensuite, le CITE (Crédit d'Impôt pour la Transition Energétique) doit disparaître au profit d'une " Prime Hulot " à compter de 2019. On ne connaît pas encore les modalités de cette prime, mais le but annoncé est de réduire le montant des aides.
Le Plan de Rénovation du Bâtiment est annoncé, annoncé de nouveau, puis ré-annoncé et confirmé, sans jamais qu'aucune modalité de soutien public ne soit mise en avant. Le prix de l'énergie recommence à augmenter, ce qui devrait pousser à l'investissement de rénovation énergétique. Cependant, ménages et bailleurs ne peuvent investir que s'ils disposent des ressources nécessaires.
Menaces sur la TVA à taux réduit
Le gouvernement semble aussi considérer que la TVA à taux réduit dans l'existant constitue une subvention aux entreprises. Jacques Chanut, pour sa part, estime que la TVA est un impôt et que sa baisse a été rétrocédée au minimum à 70-80% aux ménages. Une suppression du taux réduit serait un frein de plus à l'activité de rénovation et d'entretien, qui affiche pour l'instant une très légère croissance : +0,9% au premier trimestre 2018.
Enfin, l'idée avancée de fixer des conditions de ressources pour toutes les aides au logement, y compris le Pinel risque de peser elle-aussi sur l'activité si elle est mise en oeuvre. Si la FFB se démène en ce moment, c'est que la discussion sur la Loi de Finances 2019 commence durant l'été. La Fédération espère être entendue. Elle l'a été à propos de la trésorerie des entreprises en Avril dernier.
Bruno Le Maire, lors du Congrès de la FFB a annoncé un relèvement de 5 à 20% des avances sur les marchés d'Etat, ainsi que la suppression des ordres de services à 0 Euro, contenue dans la loi Pacte. La FFB demande un rétablissement de mesures favorables au logement neuf et au soutient de l'activité en rénovation.
Objectif 15000 Bâtisseurs
Pour preuve de sa confiance, la FFB s'attend à une croissance 2018 de l'activité bâtiment de 9,6% en volume par rapport à son point bas de 2015, ainsi que 26 800 créations de postes, y compris l'intérim en équivalent temps plein, en 2018.
La FFB annonce le lancement d'une initiative visant à proposer 15 000 créations d'emplois à des jeunes et à des demandeurs d'emploi - pas des stages, mais de vrais emplois en CDI, assortis des formations nécessaires, dont l' apprentissage -, issus des quartiers identifiés comme prioritaires par la politique de la ville.
La FFB a déjà mené en 2012, une opération comparable qui avait aboutit à la création de 12 000 emplois. Cette opération, nommée " 15 000 bâtisseurs ", concernera aussi plusieurs centaines de migrants et sera mise en oeuvre à l'automne 2018. Comme le souligne Jacques Chanut en conclusion, la FFB n'est pas inquiète pour l'Île de France, dont l'activité demeure très soutenue - Grand Paris Express, Métropole du Grand Paris, Jeux Olympiques 2024, ... -, mais plutôt pour le reste du pays. La fédération s'inquiète d'une fracture croissante en termes d'attractivité entre les métropoles et le reste de la France..
Source : batirama.com / Pascal Poggi.
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