Les matériaux sont-ils des sources inépuisables d’innovation ?

Du monomatériau aux mixtes plus performants, le secteur de la menuiserie cherche à tirer le maximum des matières qu’elle utilise en les conjuguant, et plus timidement, en les diversifiant.

© Rehau - Laboratoire de recherche Rehau 

 

« La menuiserie s’est développée à partir de monomatière – bois, PVC, acier, aluminiu – puis au fil du temps, chaque secteur a commencé à mixer les matières pour renforcer les qualités intrinsèques d’isolation des produits ; par exemple aujourd’hui, Slinova X intègre plusieurs matériaux : PVC,  PVC recyclé, Raufipro®, ce dernier étant lui-même composé de PVC et de fibre de verre et enfin de PVC capoté aluminium », déclare Maxime Boileau, directeur marketing-communication et prescription de Rehau Window Solutions France. Objectif ? Réunir le meilleur de chacun.

 

© Rehau - Slinova X développée par Rehau intègre plusieurs matériaux : PVC, PVC recyclé, Raufipro®

 


 Témoignage 

© Proferm

Etienne Gruyez, PDG de Proferm

 

‘‘Pas de révolutions, mais des évolutions’’

 

« L’évolution des matériaux est une source d’innovation pour Proferm. Concernant le PVC, nous proposons des gammes plus performantes en termes énergétiques, mais aussi en termes de sécurité, en réponse aux demandes prioritaires du marché et donc de nos clients finaux.

 

De nouvelles options de plaxage apparaissent sur le PVC, avec par exemple la nouvelle finition "chêne naturel" qui imite au plus près l’aspect et le toucher du bois, à tel point que nos clients nous disent qu’il ne manque plus que l’odeur ! 

 

Nous travaillons avec nos fournisseurs pour proposer des produits à plus fort taux de recyclage, tout en maintenant les qualités du produit. Il est clair que dans un monde où les ressources vierges seront de plus en plus rares et/ou chères, il nous faut travailler sur le recyclage. Ce qui est vrai pour le PVC, l’est pour l’aluminium, où le taux de matière recyclé progresse grâce aux efforts de nos fournisseurs. À ce jour, il n’y a pas de révolutions, mais des évolutions en termes de matériaux. Proferm a notamment fait de l’hybride l’un de ses produits phares. Pour rappel, il s’agit d’un PVC capoté aluminium qui associe le meilleur des deux mondes, la performance du PVC à l’esthétique et à la résistance de l’aluminium.

 

Nous restons à l’écoute des nouveaux matériaux qui seront disponibles sur le marché afin de pouvoir mieux répondre aux attentes des utilisateurs finaux ».


 

Réduire l’impact

 

La prise de conscience collective des enjeux climatiques et de la nécessité de réduire le recours aux énergies fossiles encouragent les industriels à réviser leurs copies. « Rehau consacre 5 % de son chiffre d’affaires à la R&D et dépose une centaine de brevets par an en lien avec nos marchés majeurs, dont la menuiserie extérieure. Raufipro® représente une première étape, nous préparons la suite, rechercher la plus faible empreinte carbone possible », affirme Maxime Boileau, qui promet « l’apparition d’un nouveau matériau, plus durable, vers 2027-2028, afin de disrupter le marché ».

 

La question de la matière recyclée est le sujet du moment. Chez Deceuninck, Olivier Dirringer, directeur commercial, rappelle les investissements industriels consentis, plus de 10 M€ : « deux lignes de coextrusions en 2024, une en 2026, cinq au total, un agrandissement d’usine, pour répondre aux besoins en France ». Plus la part de PVC recyclé entre dans la composition des produits, plus l’impact carbone se réduit.

 

© Deceuninck - Angle Elegant ThermoFibra Infinity éclaté avec fibres, conçu par Deceuninck

 

Dans le secteur, l’autre grosse évolution des dernières années est venue de la fibre de verre. Rehau, on l’a vu, s’est positionné. Tout comme Deceuninck avec ThermoFibra, un matériau dédié aux profilés de menuiserie, qui allie PVC et fibres de verre lors de l’extrusion. « Les volumes de fibre de verre augmentent d’année en année », remarque Olivier Dirringer. Par exemple, « nous avons revu la gamme de cloisons intérieures type Eiffel et augmenté nos abaques sans faire appel à des renforts en acier, la fibre apporte la rigidité nécessaire ». En outre, la production ne nécessite pas de modifier les outils dans les ateliers. « Nos clients n’ont pas besoin de réaliser des investissements, ce qui aurait pu représenter un frein à l’adoption de cette technologie. Il suffit de procéder à quelques adaptations, comme à chaque nouvelle gamme. Autre avantage, ils peuvent optimiser leur offre couleur, puisqu’elle s’affranchit des renforts acier », argumente Olivier Dirringer.

 

© Geplast - Clôture en Loryza® créée par Geplast

 

Chez Geplast, « l'engagement pour un avenir plus durable se manifeste à travers l'utilisation et l'innovation autour de matériaux recyclés et biosourcés. La gamme de matériaux inclut actuellement le PVC recyclé, utilisé pour réduire l'empreinte carbone des produits, Loryza® composé de 40 % de cosse de riz et 60 % de PVC, qui intègre des ressources naturelles tout en maintenant les qualités techniques du PVC et l’ABS recyclé, employé pour minimiser le recours aux matériaux vierges tout en conservant les performances requises », détaille Laurine Sorin, chargée de communication. Geplast vise une augmentation significative du taux de matières recyclées, avec l’objectif ambitieux d’atteindre 50 % d’ici 2028, contre 39 % actuellement (soit plus de 2 431 tonnes de matières recyclées par an).

 

© Geplast - Cornière Geplast en coextrusion

 

Et ce n’est pas tout. Geplast explore également des solutions pour rendre le PVC plus durable grâce à la technique du PVC bio-attribué. « Ce procédé repose sur le principe de masse balance, où des matières premières renouvelables remplacent partiellement les ressources fossiles dans la production de PVC. Le processus se déroule en trois étapes :

  1. la substitution partielle de l’éthylène fossile (une partie de l’éthylène traditionnel est remplacée par de l’éthylène issu de biomasse, par exemple, des résidus agricoles ou forestiers) ;
  2. le mélange dans le processus de production (l’éthylène d'origine fossile est mélangé avec l'éthylène de biomasse) ;
  3. l’attribution proportionnelle (une proportion de PVC bio-attribué est assignée aux produits finaux, basée sur la quantité de biomasse intégrée) », explique Laurine Sorin.

 

© Hydro Building Systems France - Billettes HydroCircal75R

 

Dans le secteur aluminium, le Groupe Hydro communique sur sa production bas carbone avec Circal® 75R. « Technal ne vend plus que de l’aluminium affichant un poids carbone de 1,9 kg de CO2e/kg d’aluminium », assure Nicole Perez, directrice Technal Sapa. Plus confidentiel, Circal®100R – 100 % recyclé – est réservé à quelques chantiers. « Nous avons équipé un chantier Porte d’Italie à Paris, deux autres sont prévus pour 2025, mais nous ne pouvons guère faire plus, le coût est trop important », concède Nicole Perez. D’autres axes permettent au groupe Hydro d’innover. Les barrettes par exemple. « Nous travaillons avec nos fournisseurs, par exemple nous avons lancé une barrette produite à partir d’airbag ou de ceinture de sécurité de voiture », indique Nicole Perez. Sur les nouvelles gammes, certaines pièces de fonderie sont remplacées pour éviter leur futur enfouissement. La réduction du silicone afin de rendre possible la démontabilité des produits en fin de vie nécessite de nouvelles conceptions. Point important, souligne encore Nicole Perez, « les démarches pour obtenir le label "Cradle to Cradle" nous ont aidé à avancer sur ces sujets, car nous avons dû définir la composition des produits et demander aux fournisseurs des précisions, voire effectuer de nouvelles sélections ». Le Groupe cote également ses fournisseurs via la plateforme EcoVadis. 

 


Quand les Fenêtres Hybrides de Minco s’allient à des murs en torchis pour une architecture durable sublimée

 

© Fabrice Pichon-Lajust

 

Le concepteur de la Fenêtre Hybride en bambou « où se ressent un bien-être immédiat par la chaleur et la beauté dégagées par ce matériau », exprime Freddy Thomin, responsable marketing et communication chez Minco, s’est naturellement imposé pour le chantier de cette école maternelle écoconçue à Mignaloux-Beauvoir, un village niché dans la Vienne. « Équilibre parfait entre tradition locale et innovation architecturale, ce projet se distingue par son approche écoresponsable et son profond respect pour l’environnement », poursuit Freddy Thomin. « Les murs de l’école sont composés de torchis, une technique ancestrale remise au goût du jour grâce à l’emploi de terre crue, extraite directement du site, mélangée à du chanvre et du sable. Ce mélange, une fois mis en œuvre, forme une structure à la fois robuste et esthétique, capable de réguler naturellement la température et l’hygrométrie des espaces intérieurs ».

 

Ici, les Fenêtres Hybrides de Minco, dotées de double vitrage, apportent leur haute contribution thermique comme esthétique : « nos menuiseries assurent un confort optimal grâce à l’association du bois – pour son côté naturel et chaleureux – et de l’aluminium – pour sa durabilité et son faible entretien – avec une excellente performance thermique et acoustique. Tout en s’inscrivant dans une démarche écologique rigoureuse. Pour renforcer ce lien avec la nature, des nichoirs ont par ailleurs été intégrés au projet en partenariat avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), favorisant ainsi la biodiversité et l’éducation à l’environnement dès le plus jeune âge ».

 

Architecte : Brice Kester - Crédits photos : Fabrice Pichon-Lajust


 

Assembler les matériaux

 

Chez les fabricants, les axes d’innovation diffèrent. Ainsi, Arnaud Hennequin, directeur de l’activité fenêtres du Groupe CETIH, confie « veiller à l’écoconception des produits, en réduisant le poids des matières, car le premier sujet à travailler c’est la masse, le second étant de placer le bon matériau au bon endroit, et en faisant place à la matière recyclée ». CETIH a mis en place une convention tripartite avec profine, son fournisseur de profils PVC et Paprec pour renvoyer les chutes à l’extrudeur. « Nous commençons aussi à traiter les déchets en fin de vie via Valobat », glisse-t-il. Le Groupe flèche ses achats chez Kawneer vers de l’aluminium bas carbone, même si admet Arnaud Hennequin, « la démarche est plus compliquée faute de matière ». Enfin, CETIH a récemment investi dans le bois, en rachetant Bignon, fabricant de fenêtre en bois et mixte. « Deux axes d’innovation sont sur la table : un le surcyclage, et la récupération de fenêtre en fin de vie pour produire des carrelets et deux, l’amélioration de la finition, afin d’allonger la durée de vie des produits, Naboco y répond avec des finitions garanties dix ans », atteste-t-il. En résumé, « le Groupe CETIH a toujours pensé que chaque matériau présente un intérêt, d’où sa stratégie multimatériaux », complète Thibaut Briand, directeur de l’activité portes. Bel’M en apporte une nouvelle preuve avec la gamme patrimoniale en acier garantie 15 ans. Côté R&D, « nous disposons d’un budget en progression et une équipe gère la veille et la qualification des nouveaux matériaux et des nouvelles filières, car nous devons nous assurer de leur capacité à être industrialisés », poursuit-il. Avec en ligne de mire l’écoconception et le cycle de vie des produits. Par exemple, « sur les portes en acier, nous intégrons des cimaises en aluminium démontable », ajoute Thibaut Briand.

 

Dans le Groupe HPG, autre groupe multimatériaux, les équipes de développement marketing de Préfal font savoir avoir lancé un projet de R&D en collaboration avec des partenaires pour proposer une fenêtre en PVC conçue pour générer l’impact carbone le plus bas possible au cours de son cycle de vie (approvisionnement en matière première, transport, fabrication, stockage, installation, utilisation, mais aussi valorisation lors d’une déconstruction.

 


Les verriers montent au créneau

 

© VMA / A.B.

 

Saint-Gobain Glass a annoncé le lancement de son nouveau vitrage sous vide Insio®, qui sera commercialisé par le réseau de transformation Glassolutions - Saint-Gobain en milieu d’année 2025 en France. Le verrier communique sur des performances exceptionnelles en matière d'isolation thermique, inférieures à 0.4 W/(m².K), avec la  version Insio® Hybrid. Associé à Eclaz® Zen, le vitrage Insio® permettra aux utilisateurs de bénéficier, selon Saint-Gobain, d’un confort optimal, été comme hiver, d’un apport maximal de lumière naturelle et d’une réduction de l’empreinte carbone associé avec le verre bas  carbone Oraé®. Insio® sera disponible en deux versions : 8 et 12 mm d'épaisseur. Insio® Hybrid sera monté en double vitrage. 

 

© AGC

 

De son côté, AGC Glass Europe a fait part d’un partenariat avec Eastman pour intégrer l'intercalaire innovant Saflex™ LiteCarbon™ Clear dans son verre Stratobel à faible teneur en carbone. Cette solution combinée offre aux fabricants de fenêtres une option performante et moins impactante. Saflex™ LiteCarbon™ Clear est un intercalaire PVB de 0,76 mm, dont le potentiel de réchauffement global (PRG) est réduit à 2,4 kg CO2 eq/m². Cela s'aligne avec le verre à faible teneur en carbone d'AGC, qui présente un PRG de 5,5 kg CO2 eq/m² pour un verre float (verre plat) de 4 mm.


 

 

© Swao - Finition Naboco signée Swao

 

L’écologie serait donc devenue un moteur majeur de choix pour les clients finaux ? « L’écologie est devenue un enjeu important, beaucoup de consommateurs propriétaires optent pour des matériaux écologiques comme le bois recyclé, l'aluminium, ou encore des composites respectueux de l'environnement. Ces matériaux sont également choisis pour leur longévité et leur résistance aux intempéries », estime Romane Gouraud, responsable marketing et communication de Gyt. 

 


Bouvet, acteur résolument multimatériaux

 

© Groupe Bouvet - Fullsun, la menuiserie plein soleil du Groupe Bouvet

 

Référent majeur dans le monde de la menuiserie, le Groupe Bouvet a développé des gammes aux modèles uniques, puisant dans sa force d'innovation et ses capacités de concepteur fabricant multispécialiste maîtrisant tous les matériaux – PVC, aluminium, mixte PVC-aluminium et bois – sur l’intégralité du process, de l’extrusion jusqu’à la livraison. « Bouvet défend le concept de "La bonne fenêtre au bon endroit". Car chaque matériau a ses forces ; il est ainsi possible de les associer sur chaque projet en fonction de différentes conditions : l’exposition, la surface vitrée, les couleurs, le budget ou encore les critères environnementaux. Ceci, dans le but de répondre le plus fidèlement possible aux attentes des clients finaux », revendique Guillaume Le Goff, directeur marketing et communication de Bouvet. « La grande diversité de nos produits, leurs performances et haute qualité, s'appuient sur les avantages de tous les matériaux que nous maîtrisons parfaitement sur notre site industriel ultramoderne de 60 000 m²  et leur association au sein d’un seul et même produit ; avec comme objectif d’aller chercher le maximum de performance, en termes d’isolation thermique, d’isolation acoustique, de luminosité ou d’environnement », précise Guillaume Le Goff, illustrant ses propos avec la gamme Fullsun PVC à ouvrants et dormants cachés pour une luminosité maximale, composée à 75 % de PVC recyclé, « lui conférant la meilleure FDES (Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire) du marché. Ou encore la gamme Coloriance mixte aluminium/PVC qui associe l’isolation thermique du PVC à la finesse et au grand choix de coloris de l’aluminium, rassemblant le meilleur des deux matériaux en une seule et même menuiserie ».

Et de citer également le coulissant Twinéa en PVC renforcé grâce à de la fibre de verre coextrudée, ou la gamme Novaltuce en aluminium, dont les performances thermiques et la rigidité sont maximisées grâce à sa rupture de pont thermique en PVC multichambres. Et grand choix de coloris intérieur et/ou extérieur.


 

 

© Oknoplast - Prismatic, fenêtre 76 mm développée par Oknoplast

 

Elle stimule aussi l’évolution des matériaux… « Sans aucun doute », répond Gilles Carré-Roué, président d’Oknoplast France, « nous travaillons avec l’industriel Veka, qui en fait son dada ». Les menuiseries Oknoplast sont conçues à partir de profilés Veka incorporant entre 30 % et 70 % de PVC recyclé dans leur composition. « Veka a expliqué que la pellicule extérieure du profil sera toujours en PVC neuf pour des questions de finition et de rigidité d’angle », pointe-t-il. Pour autant, reconnaît Gilles Carré-Roué, « notre mission ne nécessite pas des investissements majeurs, mais plutôt de réaliser des essais dans notre laboratoire à Cracovie afin de déterminer la meilleure combinaison de matériaux ». Attentif à un sujet qui le passionne, il évoque « le graphène, ce nanomatériau beaucoup plus solide que l’acier qui pourrait inspirer nos gammistes ». Des travaux menés par le CNRS valident les propriétés mécaniques exceptionnelles du graphène, nanomatériau composé d’atomes de carbone, tout en pointant les limites à date, à savoir la difficulté de son exploitation compte tenu de la finesse de ses feuilles et sa nécessaire intégration dans une matrice, par exemple du polymère, soulevant d’autres interrogations.

 

© Bel’M - Porte d’entrée - Bel’M modèle Accoya (gris lunaire)

 

— Véronique Méot

 


Photos ouverture Hydro © Werner-Huthmacher - © Geplast - © Rehau-Paprec — De l’aluminium bas carbone avec Circal® 75R du Groupe Hydro au PVC recyclé, le  Raufipro® de Rehau ou le ThermoFibra de Deceuninck jusqu’au Loryza® composé de 40 % de cosse de riz et 60 % de PVC intégré dans les nouveaux produits Geplast Indoor notamment, ou encore les Fenêtres Hybrides de Minco, les matériaux rivalisent de performances techniques et vertueuses reliant design et esthétique inédits


Source : verre-menuiserie.com

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