Les architectes face aux défis climatiques

Mobilisée, la profession envisage de nouvelles façons de concevoir – et de rénover – le bâti pour prendre en compte les changements climatiques dans leur globalité.

Un travail de longue haleine.

 

‘‘ Le temps des grands gestes architecturaux est révolu ’’

 

© WO2 - Le Campus Arboretum, plus vaste ensemble de bureaux en bois d’Europe. Reconversion exemplaire d’un site industriel de 17 ha, situé en bord de Seine, à mi-chemin entre La Défense et Rueil, les architectes François Leclercq, Nicolas Laisné, Dimitri Roussel et Michel Roy ont imaginé 7 bâtiments bas-carbone pour un total de 126 000 m² disposés sur un vaste campus de pleine terre, traversé par un cours d’eau, avec arboretum, verger et potager, en autant d’îlots de fraîcheur et de biodiversité. Cinq de ces édifices sont neufs, construits en bois massif selon les technologies bas carbone développées par WO2

 


Le Campus Arboretum est l’une des réalisations les plus emblématiques dans le domaine du bâtiment bas-carbone avec 32 400 m3 de bois mis en œuvre, 10 puits de géothermie couvrant 80 % des besoins de chaud et de froid, y compris les consommations privatives. Économe en ressources, il réutilisera 20 000 m3 d’eau pluviale par an. Au total, l’empreinte carbone du Campus Arboretum de Nanterre sera réduite de moitié sur l’ensemble de son cycle de vie, et les consommations énergétiques pour les locataires seront divisées par 3,5.

 

« L’offre Arboretum s’adresse à toutes les entreprises qui ont compris qu’un siège social était un manifeste vivant de leurs engagements », Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic, cofondateurs de WO2

 


 

« Adapter nos territoires aux changements climatiques : recul de trait de côtés, tempêtes, inondations, incendies… », tel était le thème des rencontres organisées le 5 septembre dernier à Lacanau par le Conseil de l’ordre des architectes, dans le cadre d’un cycle de conférences baptisé "Architectures et Territoires".

 

Le sujet est complexe. C’est pourquoi les architectes souhaitent échanger avec des acteurs politiques, des chercheurs, des paysagistes, etc. À Lacanau, les questions autour de l’avancée de l’océan se posent… comme à Soulac-sur-Mer, commune voisine qui a fait parler d’elle avec l’affaire du Signal, ce bâtiment de quatre étages construit en front de mer à la fin des années 60 et qui a dû être démoli fin février 2023 en raison de la progression de l’océan sur la terre. 

 

Plus au sud, les pinèdes de la côte Atlantique ont disparu, mangées par les flammes de l’incendie ayant frappé La Teste-de-Buch en 2022.

 

Le cycle ouvert par l’Ordre des architectes, dont l’objectif est l’échange de bonnes pratiques et la recherche de solutions, se poursuivra dans chaque région de France et en Outre-mer. « Notre ambition est de démontrer en quoi l’architecture est capable d’apporter des réponses aux questions sociétales, écologiques, y compris les questions liées aux catastrophes naturelles. Nos 30 000 consœurs et confrères expérimentent et trouvent des solutions, partout en France, qu’il est de notre devoir de faire connaître et partager », a déclaré Christophe Millet, président du Conseil national dans un communiqué. À l’issue des conférences, une restitution sera présentée lors du prochain Salon des maires, au mois de novembre.

 


2 projets résidentiels au cœur de l’écoquartier de l’Arsenal à Rueil-Malmaison

 

© Fresh Architecture / Kreaction - Woodeum x Pitch Immo intervient dans l’écoquartier de l’Arsenal à Rueil-Malmaison. Crédit Architectes : Fresh Architecture ; crédit image : Kreaction

 

« Les projets High Garden et Stellata démontrent notre temps d’avance et notre capacité à innover face aux défis environnementaux et climatiques. High Garden est un projet emblématique au sein de la ZAC de l’Arsenal, qui se caractérise notamment par ses performances énergétiques et l’omniprésence de la végétation, source de bien-être pour les habitants. Le projet Stellata, quant à lui, se veut exemplaire en termes de performances environnementales et sera compatible avec les exigences de la nouvelle Réglementation Environnementale, RE2020, au seuil 2028. Il est le premier programme de France à avoir obtenu le "Label Bas Carbone : Bâtiment Neuf Biosourcé" attribué par le ministère de la Transition Écologique. Nous sommes fiers de contribuer à la transformation urbaine de Rueil-Malmaison avec ces deux projets qui allient qualité de vie et respect de l’environnement », a déclaré Julien Pemezec, directeur général de Woodeum x Pitch Immo, spécialiste de la promotion immobilière bas carbone dans un communiqué. Les deux résidences sont certifiés NF Habitat HQE Excellent et portent les labels E+C- biosourcé Effinergie.

 

Conçu par le cabinet d’architecture Hamonic + Masson & Associés, High Garden, propose une programmation mixte comprenant 238 logements, du studio au cinq pièces, répartis sur 2 bâtiments, un restaurant panoramique avec bâtiment au design disruptif suspendu à 12 m de hauteur au-dessus de la place centrale de la ZAC de l’Arsenal, ainsi que des commerces. Lauréat en 2019 de la 2e édition du concours d’architecture "Inventons la Métropole du Grand Paris", l’opération sera livrée en cette fin d’année 2024. 

 

La végétation est présente à tous les étages comme un jardin vertical où les résidents bénéficieront de jardins partagés. High Garden a été pensé dans l’objectif d’être précurseur sur les aspects énergétiques et est conforme à la réglementation RT 2012 – 20 %, avec l’utilisation du réseau de chaleur de la ZAC en géothermie, la production d’électricité par des panneaux photovoltaïques pour les parties communes, la récupération des eaux usées pour préchauffer l’eau chaude sanitaire (dispositif Biofluides), etc. 

 

Stellata, conçu par l’agence Fresh Architectures, est un ensemble de 105 logements, du studio au 5 pièces duplex, à très faible empreinte carbone grâce à l’utilisation de matériaux et de procédés bas carbone comme le bois massif. Réalisation bénéficiant d’une structure bois massif, Stellata dispose de balcons semi-portants en acier bas carbone, acier recyclé utilisant de l’électricité 100 % verte. Stellata est compatible RE2020, au seuil 2028. Elle vise également le label BBCA niveau Excellence.


 

 


 INTERVIEW 

 

© ENSA Strasbourg - Hervé Schneider, architecte DPLG, responsable de projet Oslo architectes et maître de conférence associé à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, évoque les nouvelles façons de travailler…

Le temps des grands gestes architecturaux est révolu

 

Quels sont les grands enjeux posés par le changement climatique aux architectes ?

 

La crise climatique entraîne un changement de paradigme dans la manière de pratiquer l’architecture. Le nombre d’interlocuteurs augmente, avec l’intervention de spécialistes dans le projet, par exemple de spécialistes de l’économie circulaire et du réemploi, des bureaux d’études de la performance, car avec la RE2020, est apparue la nécessité d’effectuer des calculs d’analyse de cycle de vie des matériaux mis en œuvre. Ces compétences sont donc intégrées projet par projet dans les équipes de maîtrise d’œuvre.

De nouveaux interlocuteurs émergent comme les maîtres d’usage qui assistent la maîtrise d’œuvre pour consulter la population concernée par un chantier et s’assurer que le projet sera adapté à son contexte. 

Concevoir et construire devient plus complexe et plus riche. Si l’architecte veut rester le chef d’un orchestre qui s’élargit, il doit acquérir de nouvelles compétences…

 

Quelles conséquences au niveau du bâtiment et du geste architectural ?

 

Le temps des grands gestes architecturaux est révolu. L’architecte doit penser autrement des bâtiments aux fonctionnalités multiples. Par exemple, un immeuble de bureaux doit pouvoir se transformer en logements, et inversement. La tendance est aux bâtiments qui consomment moins d’énergie, mais aussi moins de ressources pour sa construction. Le bilan carbone à prendre en compte amène une nouvelle esthétique. Pour autant, l’architecte n’est pas moins présent, mais son ambition esthétique est un peu moins gratuite. 

Le choix esthétique s’inscrit dans le contexte du bâtiment.

 

La réduction des ressources mises en œuvre impacte la construction…

 

La construction neuve se limitera de plus en plus pour laisser place à l’intervention sur l’existant. Tous les sujets en "re" s’invitent dans l’actualité du secteur et dans son avenir : rénovation, réhabilitation, réemploi.

 

Concrètement, comment faire face au dérèglement climatique ?

 

Jusqu’à présent, le bâtiment était conçu en réponse à des problématiques de froid, aujourd’hui nous nous interrogeons sur le chaud. Par exemple, nous discutons à l’école avec nos étudiants du bien-fondé d’une terrasse installée au nord… Et les problématiques liées au chaud vont être supplantées par les problématiques liées au frais, pour limiter le recours à la climatisation.

Face aux événements climatiques, nous manquons de recul. Les réponses seront régionales. Par exemple, en Alsace la question des inondations se pose, avec le risque de débordement de cours d’eau et de remontée des nappes. 

Les architectes doivent rester agiles, se protéger des dogmes et d’une pensée assez radicale.


 


Rénovation des tours Anvers et Londres à Paris

 

© Ailleurs studio - Tours Anvers et Londres dans le quartier des Olympiades à Paris (13e arrondissement)

 

Eiffage, au travers de ses filiales Eiffage Construction et Eiffage Énergie Systèmes, a remporté en début d’année le contrat de rénovation avec engagement de performance énergétique de 585 logements sociaux pour le compte de Paris Habitat. Il concerne les tours Anvers et Londres, de respectivement 33 et 32 étages, dans le quartier des Olympiades à Paris (13e arrondissement). La maîtrise d’œuvre sera gérée en groupement avec les cabinets d’architectes FBAA et Pluriel(les) Architectes, accompagnée du BET CET ingénierie.   

 

Les travaux, réalisés en site occupé, prévoient la conservation et la restauration des façades ainsi qu’une enveloppe thermique complétée depuis l’intérieur. Des interventions sont par ailleurs prévues pour améliorer le confort des logements comme la réfection des peintures, la mise en conformité électrique, le remplacement du système de chauffage et la mise en place de volets roulants bioclimatiques motorisés. Le marché intègre également l’exploitation-maintenance des équipements de production de chauffage et d’eau chaude sanitaire.

 

En accord avec le plan climat de Paris et dans l’objectif de l’obtention d’un Diagnostic de Performance Energétique de classe B, le projet vise une réduction de la consommation de chauffage de 50 % pour ses usagers. Une démarche de revalorisation des déchets de chantier est par ailleurs prévue avec l’association de réemploi Réavie.

 

La phase conception a débuté début 2024 pour une durée de 12 mois. Elle se poursuivra par 24 mois de travaux assurés par Eiffage Construction jusqu’en 2027. Eiffage Énergie Systèmes assurera ensuite l’exploitation et la maintenance du bâtiment pendant huit ans, à compter de juillet 2024. Le chantier mobilisera jusqu’à 82 compagnons en période de pointe.


 

— Véronique Méot


Photo ouverture © WO2
Source : verre-menuiserie.com

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