En privilégiant l’emploi de matières recyclées et biosourcées, le secteur affiche la volonté d’opérer sa mue pour une menuiserie plus durable...
... La transformation est en marche, mais l’aventure ne fait que commencer.
© Minco - Emeline Poulain a réalisé son propre pavillon avec les produits Minco
« Nos menuiseries équipent de nombreuses réalisations dont l’objectif est de promouvoir le local, le biosourcé et le responsable. Néanmoins, je reste toujours perplexe sur cette notion de "responsable". Quels sont les critères pour juger qu’un matériau est responsable ou non ? », interroge pertinemment Freddy Thomin, responsable marketing et communication de Minco. Ainsi, poursuit-il, « nous fabriquons des produits qui répondent au besoin fondamental de se loger. Aussi, toutes nos menuiseries, aussi esthétiques soient elles, mises en œuvre en pavillon d’habitation ou en bâtiments publics, répondent d’abord à la nécessité d’isoler un bâtiment et de réduire sa consommation énergétique tout en améliorant le confort des espaces ».
© Minco - La fenêtre végétale Hybride développée par Minco s’est taillée, tout en bambou, une solide réputation pour ses performances techniques et esthétiques. Pour le concepteur-fabricant innovant depuis des décennies, elle représente LA solution constructive innovante pour la gestion de la ressource et la préservation de la biodiversité
Quelle est la définition exacte des matériaux écoresponsables ? Au niveau sociétal, les fermetures et menuiseries participent au clos et couvert, et répondent déjà à une partie des enjeux. Au niveau environnemental, la réponse s’avère plus complexe. « Il faut rattacher la démarche aux actions qu’une entreprise engage, et surtout à l’usage qui est fait du matériau. Répond-t-on a un besoin ?... C’est notre crédo ! », argumente Freddy Thomin.
Recyclage des déchets ménagers : adopter une approche globale
Au terme d’une analyse en profondeur, l’Académie des technologies pour une économie circulaire efficace a publié en juin 2023 son rapport – présenté en conférence de presse le 13 novembre 2023 – centré sur la gestion des circuits matière, matériaux et objets matériels dans une approche multifactorielle. Elle analyse la collecte, le tri et la transformation, les plastiques et composites, les équipements électriques et électroniques et le BTP.
La réflexion porte sur le cycle de vie du matériau. « Un matériau, dont l’impact carbone est faible à l’extraction mais qui dure moins longtemps que d’autres, n’aura pas un impact meilleur, c’est un vrai sujet, notamment pour le bioplastique qui émet moins de carbone mais ne dispose pas de filière de recyclage », déclare Coriandre Onillon, chef de projet éco-innovation du groupe CETIH. La vigilance des industriels ne se limite pas au sourcing des matériaux, mais doit tenir compte de la maturité des filières de recyclage. Elle est en place pour le PVC, moins pour l’aluminium. Les industriels ne font pas de compromis sur les performances… mais alors faut-il augmenter le poids d’une matière plus sobre ? Des compromis sont à rechercher. Dans un produit, « la meilleure matière est celle qui est à la bonne place », note Coriandre Onillon.
Kawneer entre dans la danse
© Kawneer - Kawneer s’engage dans la voie de la sobriété
« Notre objectif est de proposer la meilleure analyse de cycle de vie des produits possible, même si l’entreprise s’est déjà engagée dans une démarché RSE, nous ne sommes qu’aux prémices de l’histoire », estime Audrey Noguera, responsable marketing produits Kawneer France. « L’aluminium recyclé demeure une denrée rare », poursuit-elle, « nous nous adressons à des fournisseurs labellisés Alu+C- et nous souhaitons nous orienter vers un aluminium vert, avec des émissions de CO2 autour de 2 ». Un challenge. Pour améliorer le recyclage, « nous devons concevoir des produits faciles à démonter, ainsi nous ne collons pas les vitrages, les assemblages se font mécaniquement par équerre, la fixation mécanique de la menuiserie sur le bâti exclue le scellement chimique ». L’ambition de Kawneer ne se limite pas à l’aluminium. Comme ses confrères, l’industriel s’intéresse aux autres matériaux (mousse recyclable), au transport, à l’emballage, etc.
Matériaux et produits innovants
© Rehau - Le coulissant Slinova X : dormant en PVC recyclé, ouvrant en Raufipro® X et chicane centrale PVC capoté aluminium
Rehau développe depuis longtemps des matériaux alternatifs. À base de fibre de verre et de PVC recyclé, Raufipro® a été lancé en 2008. « Aujourd’hui Raufipro® X permet de reconsidérer les dimensions des produits et de répondre à des besoins de hauteur et de largeur plus importants », affirme Maxime Boileau, responsable communication, marketing et prescription de Rehau Window Solutions France. Ce matériau qui affiche un coefficient Uf (performance thermique du cadre de la fenêtre) de 1,1 W/m².K contre 1,3 pour le PVC, est diffusé sur le marché français via la gamme Neferia (ouvrant protégé) plutôt orientée vers la rénovation haut de gamme. Une autre gamme, Artevo, cible le marché de masse. Elle est vouée à devenir le fer de lance de l’offre, car elle utilise moins de matière – 80 mm d’épaisseur – contre 86 mm pour Geneo. « Elle est commercialisée dans certains pays d’Europe, et en Allemagne depuis cette année, et présente des performances au top, mais en France elle sera plutôt dédiée aux régions frontalières de l’Est car elle se pose en tunnel », commente Maxime Boileau.
© Deceuninck - La Gamme Elegant de Deceuninck sort du cadre en élargissant le champ des possibles, entre performances esthétiques, techniques et écoresponsables
Chez Deceuninck, Mickaël Aréias, directeur des opérations, rappelle l’objectif du gammiste : « injecter 42 % de matière recyclée dans le cœur du produit, issue des déchets de production en Europe ou d’anciennes fenêtres ». En début d’année 2024, Deceuninck devrait recevoir deux nouvelles lignes de coextrusion. « Deceuninck France investit 1,5 M€ par ligne, soit plus de 10 M€ au cours des dernières années », mentionne-t-il. En pleine transformation, l’entreprise remplace également les renforts acier par des produits à base de fibre de verre.
© Geplast - Irys®, le coffre de volet roulant demi-linteau fabriqué par Geplast à 98 % de PVC recyclé
Maxime Grimault, directeur commercial et marketing de Geplast, confie « exploiter de plus en plus le PVC recyclé dans les produits. Par exemple, le coffre de volet roulant demi-linteau Irys® est fabriqué à 98 % de PVC recyclé ». En 2015, Geplast a développé Loryza® matière biosourcée, composée à 60 % de cosse de riz, dédiée aux produits outdoor (clôture, portail). « En un an, nous avons doublé les volumes et nous projetons de développer des produits pour l’aménagement intérieur », glisse-t-il. « Geplast teste de nouvelles matières biosourcées, dont les essais sont prometteurs », annonce-t-il.
© Oyvind Breivik - Ici à Clervaux au Luxembourg, site dédié à la fabrication des billettes bas carbone Hydro CIRCAL® 75R
Dans le secteur aluminium, Hydro propose deux types d’aluminium à faible empreinte carbone : Hydro CIRCAL® et Hydro Reduxa. Le premier est produit à base d’aluminium recyclé (75 % pour Hydro CIRCAL® 75R et 100 % pour Hydro CIRCAL® 100R). Le second est produit en utilisant l’énergie renouvelable de l’eau (hydroélectricité), du vent et du soleil, réduisant l’empreinte carbone par kg d’aluminium à 4,0, soit moins d’un quart de la moyenne mondiale. « Nous augmentons notre capacité de production de billettes aluminium en Europe. En 2023, elle s’élève à 55 000 T de CIRCAL® 75R, en 2024, les prévisions tablent sur 65 000 T, l’objectif étant d’atteindre les 100 000 T en 2025 », précise Lucile Souyri, responsable Développement durable. Le groupe Hydro fait évoluer son produit et devrait rendre 1 000 T de CIRCAL® 100R disponible sur le marché en 2024, de quoi mener une petite dizaine de chantiers. « Cet alliage n’est distribué que sur demande pour certains projets », précise-t-elle. CIRCAL® 75R doit également être upgradé. « Le taux de matière recyclée doit augmenter et atteindre les 80-85 % », indique Lucile Souyri. Enfin, Hydro veut passer du gaz à l’hydrogène vert pour baisser son empreinte carbone. D’autres matériaux sont dans le viseur du gammiste, des travaux auraient été lancés sur les matières clés.
L’Académie des technologies fixe les priorités
Pour traiter 39 millions de déchets ménagers par an, seuls des systèmes industriels performants de tri et de transformation de la matière détermineront la viabilité économique du recyclage à grande échelle. Tel est du moins l’avis de l’Académie des technologies, qui a présenté son rapport et ses préconisations le 13 novembre dernier. Elle formule cinq orientations prioritaires en matière :
- de transversalité technique, économique et sociale entre filières, industriels et fabricants ;
- d’indépendance des données et des analyses ;
- d’affichage de valeur environnementale publiable, normalisée et certifiée ;
- de formation (démontage, écoconception, transformation des déchets) ;
- de droit du travail (pour les métiers de tri manuel, démantèlement, démontage).
Si l’appréhension globale est clé, l’approche par responsabilité élargie des producteurs est structurante, mais pas suffisante, il faut créer des interactions entre les filières, car les produits et les matériaux se croisent.
© Bel’M - Porte en bois 100 Absolu Pérenne en Accoya conçue et développée par Bel’M (Groupe CETIH, entreprise à mission très active en recherche d’écomatériaux et de développements durables)
Le groupe CETIH se penche sur la question depuis une dizaine d’années. « L’intégration de biomatériaux représente un des éléments de notre démarche globale et nous réfléchissons à l’impact de nos produits dès leur conception », résume Thibaut Briand, directeur Activité Portes et directeur Qualité. « Nous avons commencé par la porte en bois, aujourd’hui cette démarche est systématique, car notre objectif est de diviser par 2 notre impact carbone d’ici 2030, or une grande part provient de la matière utilisée », ajoute-t-il.
CETIH se fournit en aluminium recyclé, en isolant biosourcé et cherche à réduire la matière. Tous les profilés du groupe ont adopté Hydro Reduxa, aluminium à faible teneur en carbone, en 2023. Le groupe affiche clairement sa volonté : « en augmentant la durée de vie de nos produits, qui se traduit par la garantie octroyée, nous abaissons notre impact, puisque nous contribuons à diminuer les renouvellements », argumente-t-il.
Minco a lancé un concept en bambou qui semble avoir convaincu. « Après notre coup d’essai à Batimat en octobre 2022, nous avons travaillé à étoffer l’offre et proposer un maximum de solutions pour l’habitat. Par exemple, nous avons présenté la première porte d’entrée monobloc réalisée avec du Bambou Moso et la première offre pour la rénovation. Ainsi, nous offrons à nos clients installateurs une solution à la fois esthétique et unique pour la rénovation énergétique des bâtiments. Ils seront les seuls à la proposer », se réjouit Freddy Thomin.
profine accélère
© profine - Avec la mise en place de deux nouvelles lignes de coextrusion sur son site de Marmoutier (67), profine se donne les moyens d’atteindre ses objectifs ambitieux de 25 % de matière première recyclée dans ses profilés à l’horizon 2025
« Dans notre métier, l’écoresponsabilité se traduit par la matière recyclée et par l’énergie verte. Nous accélérons aujourd’hui grâce aux investissements récents du projet REC (8 M€, dont 1 M€ financé par l’Ademe) pour atteindre 25 % de matière première recyclée d’ici 2025 », déclare Yann de Bénazé, président de profine. En augmentant le nombre de lignes de coextrusion, profine devrait disposer de 17 outillages supplémentaires, soit 21 au total. « Nous bouclons la mise en service de l’alimentation automatisée en matière recyclée », précise-t-il.
Ainsi, profine pourrait produire « 17 500 tonnes ». La part du PVC recyclée dans la production était de 8 % en 2022. « Nous projetons de la passer à 16 % en 2024, puis 25 % en 2025 ». Une montée en puissance qui dépendra de plusieurs facteurs : « le bon déroulement du programme et l’accès aux matières recyclées, car il semble que le démarrage de la filière soit poussif, ce qui est une source d’inquiétude, tout comme l’inertie des installateurs », ajoute-t-il.
Côté énergie verte, profine a déjà sauté le pas. « Une extension logistique actuellement en projet pourrait nous fournir l’occasion d’aller plus loin en installant des panneaux photovoltaïques », annonce Yann de Bénazé.
Disponibilité de la matière à recycler
Minco utilise en partie de l’aluminium recyclé, mais prévient-il, « partiellement, car il faut bien garder en tête que cette ressource est limitée. Nous n’aurons jamais assez d’aluminium recyclé pour l’utiliser à 100 % ». Minco travaille avec une vingtaine de filières de recyclage via un ensemble de partenaires. « Notre objectif est toujours de réduire la part de nos déchets banals. Par exemple, après optimisation de notre process industriel pour minimiser les chutes de bois, nous les renvoyons auprès de notre partenaire afin de reconstituer des carrelets et éviter le déchet qui ne pourrait être réutilisé », assure Freddy Thomin.
AGC et les solutions écoresponsables pour les façades vitrées
Dans le cadre du salon SIMI qui s’est tenu les 12, 13 et 14 décembre à Paris, les équipes d’AGC ont animé une conférence sur le thème de la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments. L’occasion pour le verrier de rappeler qu’il « combine les trois volets de la nouvelle réglementation environnementale au travers de son service de récupération de vitrage en fin de vie, son verre bas carbone qui réduit de 40 % les émissions de gaz à effet de serre durant son processus de production et ses vitrages à couche ultra-isolants, été comme hiver ».
Le verre bas carbone intègre la notion de circularité grâce à la récupération des vitrages en fin de vie sur les chantiers de rénovation afin d’en refondre le verre plat et de produire de nouveaux vitrages à l’empreinte carbone réduite. Par ailleurs, ces nouveaux vitrages intègrent les technologies liées à la sécurité, à l’acoustique et à la performance thermique des bâtiments.
Dans le groupe CETIH, Coriandre Onillon pointe un changement dans les process : « nos chutes prennent de la valeur, nous les envoyons à recycler et nous devenons les fournisseurs de nos fournisseurs ».
Avant le recyclage, la question du démantèlement des menuiseries se pose. « Nous avons arrêté de coller les éléments pour les assembler mécaniquement et pouvoir les séparer facilement en fin de vie », signale Coriandre Onillon. Le groupe CETIH remplace les isolants en polystyrène expansé par des isolants en fibre de bois (Pavatherm®) sur la gamme de porte d’entrée à lame de bois.
© Isosta - Un isolant déconstruit par Repan, service de démantèlement des panneaux sandwich en vue du recyclage de leurs composants : une technologie spécifique conçue par le groupe Isosta pour séparer l’aluminium de l’isolant et donc déconstruire pour recycler les panneaux à plus de 90 %
Isosta source de l’aluminium recyclé, « avec la volonté d’inscrire 25 % de notre gamme dans une démarche de circularité à horizon 2025 », promet Maximilien Cohen, responsable marketing du groupe. « Nous nous appuyons sur Repan, notre unité de déconstruction pour le démantèlement des panneaux sandwich, mais nous testons aussi des matériaux biosourcés pour les isolants ». Avec des arbitrages à faire. « Entre la matière naturelle et le matériau recyclé ou écoconçu », avoue-t-il. En 2024, « nous irons plus loin en proposant de l’aluminium décarboné et un isolant réemployé issu de panneaux déconstruit, une opération neutre ». Le réemploi ? La piste la plus vertueuse…
—Véronique Méot
Photo ouverture © Geplast - Au cœur de la matière, Geplast a développé la marque Geko pour ses produits et solutions écoconçues. Dès leur conception, les produits de la gamme Geko sont inscrits dans un cycle de vie décarboné et durable. Concepteur-extrudeur et précurseur, Geplast a donné jour à des solutions écoresponsables dès 2013, comme le Loryza®… et s’inscrit dans une démarche de construction durable avec 98 % de matière recyclée
Source : verre-menuiserie.com