Crise climatique oblige, le secteur doit s’adapter aux nouvelles contraintes en termes de sobriété et de durabilité.
La technologie du Web.3 peut y contribuer en boostant les transactions, en sécurisant la production, en développant des solutions de gestion des bâtiments intelligents, la maintenance, mais pas que…
‘‘ Quand la technologie virtuelle du Web emmène vers une nouvelle réalité ’’
La 3e génération de l’Internet, qui succède à celle du Web 1.0 (affichage d’informations) et à celle du Web 2.0 (interactivité et réseaux sociaux), ouvre l’ère de l’Internet décentralisé, sur fond de blockchain (technologie de stockage et de transmission d’information), de monde virtuel immersif (métavers), de jumeaux numériques et de token (jeton non fongible).
© Fiat Metaverse Store - Fiat Metaverse Store
Blockchain et smart building
La blockchain permet de stocker et de gérer les données de manière décentralisée et sécurisée. En 2022, la Smart Building Alliance (SBA) a d’ailleurs lancé un groupe de travail sur la blockchain, cette technologie de stockage et de transmission d’informations transparentes, sécurisées et immuables, dans l’objectif de permettre à l’immobilier de devenir aussi agile que les produits financiers. Son ambition ? Créer des passerelles entre le numérique, l’architecture et la construction.
Dans un communiqué, Matthieu Merchadou-Melki, président de Blockchain and Traceability Commission SBA - Smart Buildings Alliance for Smart Cities, a déclaré : « le premier avantage de la blockchain est de faciliter les transferts de propriété des bâtiments entre investisseurs. Pour ce faire, l’idée est d’abord de générer un actif numérique, sous la forme d’un jumeau virtuel de l’actif immobilier. Chaque partie prenante (nommée aussi stakeholder) est appelée à contribuer au jumeau digital. La blockchain enregistre alors les données correspondantes et les partage autant que nécessaire avec d’autres parties prenantes ».
La blockchain permet de créer des contrats intelligents (smart contracts) facilitant la réalisation automatique des transactions en sécurité, selon des conditions précisément définies. Elle peut aussi gérer la traçabilité d’un actif ou d’un bien, c’est ce qui la rend particulièrement intéressante pour le secteur de la logistique, mais dans le domaine du bâtiment, elle pourrait servir à suivre les
déchets ou servir de passeport aux matériaux…
La Construction Blockchain Consortium (CBC) – dont le CSTB est membre – organise du 6 au 8 novembre à Hong Kong une conférence hybride qui réunit des experts de la blockchain appliquée au secteur du bâti. Un rendez-vous pour découvrir les dernières avancées d’IoT et d’environnement intelligent. Un livre blanc 2023 devrait être publié à l’issue de cet événement.
Valérie Cottereau, directrice générale d’Artefacto, expert de la réalité augmentée et de modélisation 3D
1. Qu’est-ce que le métavers peut apporter au secteur du bâtiment ?
Pour nous, le métavers ne se limite pas à la version proposée par Meta (Facebook) ni à des jeux vidéo, mais concerne le domaine professionnel. Je préfère néanmoins parler de jumeaux numériques, c’est-à-dire de la représentation virtuelle d’un objet. Avec trois bénéfices principaux pour le secteur : l’aide à la vente, la formation et la maintenance. En matière d’aide à la vente, le Web 3D, en offrant la visualisation de l’objet, apporte vraiment de la réassurance et permet de confirmer la vente. Grâce au jumeau numérique d’une usine, une entreprise peut former ses nouvelles recrues en toute sécurité. Avant sa prise de poste, l’apprenant peut se familiariser avec les process et procédures, répéter les gestes.
Enfin, la modélisation des bâtiments, qui a démarré avec les maquettes BIM produites par les industriels, ouvre l’accès au suivi de la vie du bâtiment. L’ idée étant de s’en servir pour optimiser la maintenance. Ce jumeau numérique intelligent fournit un tableau de bord, les notifications d’entretien sont automatisées, apportant un réel confort à la gestion de la maintenance.
2. Quelles sont les solutions les plus adaptées à la menuiserie à date ?
Nous constatons un réel intérêt du secteur pour les catalogues augmentés. Nous travaillons dessus depuis plusieurs années, et nous commençons à accueillir des clients entrants, signe de la démocratisation de ces solutions.
Aujourd’hui, ces catalogues en réalité augmentée n’ont plus besoin d’être téléchargés via des applications mobiles, ils sont disponibles en direct sur le Web. Ils offrent en plus pour le fabricant la possibilité de réaliser des visuels pour les permis et les demandes de travaux très rapidement. Nous travaillons pour des entreprises comme Profils Systèmes, Sepalumic, Tellier Protec, Sunflex, etc.
3. Quels sont les freins au développement des showrooms virtuels ?
Contrairement à la mode ou à l’automobile, les clients des fabricants de menuiseries (portes, vérandas, pergolas…) n’attendent pas de visualiser le produit dans un showroom, mais en projection sur leur maison. Du coup, le configurateur mis en scène répond mieux à la demande.
Metavers et marketing-vente
Parmi les autres bénéfices que le Web.3 peut apporter au bâtiment, la SBA cite la création de showroom virtuel dans le métavers ou dans un cadre privé, pour de nouvelles expériences immersives. Le secteur s’est déjà approprié la 3D et les sites immersifs : Warema et son showroom virtuel en fournit un bel exemple. Le métavers permet d’aller plus loin. La mode ou l’industrie automobile se sont déjà lancées dans l’expérience. Par exemple, Fiat a annoncé au mois de mars 2023 ouvrir en France, après l’Italie, le Fiat Metaverse Store avec le modèle phare de la marque. À l’intérieur de cet espace virtuel, qui recrée l’environnement d’un showroom, les clients français de la marque peuvent découvrir, configurer, réaliser un essai virtuel, et finaliser leur expérience d’achat depuis le confort de leur domicile. Développé en collaboration avec Touchcast et Microsoft, ce showroom d’un nouveau genre ne nécessite, ni casque de réalité virtuelle, ni matériel coûteux. Le Metaverse Store est animé par un Product Genius FIAT – une personne physique – à même de répondre aux questions des clients en temps réel.
L’Europe prépare l’arrivée du Web.4
Après le Web.3, en cours de développement, la prochaine génération – le Web 4.0 – permettra une intégration entre les objets et environnements numériques et réels, ainsi qu’une amélioration des interactions entre l’homme et les machines. La Commission Européenne a adopté le 11 juillet 2023 une nouvelle stratégie sur le Web 4.0 et les mondes virtuels, afin d’accompagner la prochaine transition technologique et de faire en sorte que les citoyens, les entreprises et les administrations publiques de l’Union Eropéenne puissent disposer d’un environnement numérique ouvert, sécurisé, digne de confiance, équitable et inclusif. Une stratégie en 4 axes :
- donner aux individus les moyens d’agir et renforcer les compétences ;
- entreprises : soutenir un écosystème industriel européen du Web 4.0 ;
- pouvoirs publics : soutenir les progrès sociétaux et les services publics virtuels ;
- élaborer des normes mondiales portant sur l’ouverture et l’interopérabilité des mondes virtuels et du Web 4.0.
Management-Formation
L’exemple des showrooms montre comment l’exploration des métavers fait sens dans le BtoC. Qu’en est-il en BtoB ? La "Mission exploratoire sur les métavers" diligentée par le gouvernement et dont le rapport a été publié en octobre 2022, explique que « les technologies immersives peuvent effectivement être utilisées afin d’améliorer la collaboration entre équipes, et visualiser des données dans le cadre industriel pour les entreprises à des fins de simulation, formation, collaboration, ainsi qu’en vue de la réduction des risques, des coûts de transport, d’assurance, ou encore de gains de temps ».
© HoloLens - Lunettes de réalité augmentée HoloLens
À titre d’illustration, le rapport cite une expérimentation lancée dans l’usine Saint-Gobain à Saint-Gilles, dans le Gard, où des ouvriers ont commencé à s’équiper de lunettes de réalité augmentée HoloLens. « Principalement utilisées au stade de la formation, elles leur permettent de se familiariser rapidement avec leur environnement de travail et de gagner en efficacité dans leur apprentissage. Elles peuvent également permettre de réaliser des sessions d’assistance avec des collègues de travail localisés à distance », indiquent les auteurs du rapport.
Attractivité-Recrutement
26 % des 25-34 ans pensent que le métavers représente l’avenir selon une étude réalisée par YouGov. Une enquête sur "Ce que veulent (vraiment) les jeunes", réalisée par le Groupe Menway, sa filiale Yupeek et ICN Business School, rappelle que d’ici 2030, la génération Z (les jeunes nés entre 1997 et 2010) représentera près d’un tiers des effectifs en entreprise. Or qu’attend-elle ? Davantage de flexibilité en matière d’organisation et d’horaires, une meilleure qualité de vie, etc. Le recrutement se digitalise, le flex-office se développe (à la faveur de réunion virtuelle entre avatars), la culture d’entreprise s’orchestre notamment autour de l’agilité (ainsi que de la durabilité, la diversité et l’innovation managériale).
© Artefacto - Positionner une pergola dans l’application Urbasee dévelopée par Artefacto
© Artefacto - Gros plan sur un aménagement extérieur
— Véronique Méot
Photo ouverture © Chafik Studio - La Maison sur la Plage imaginée par l’architecte, designer et scénographe Chafik, est née depuis son Studio parisien en version immersive avant de s’incarner dans une réalité définie par une vision architecturale alliant luxe et écologie. Au centre de sa réflexion, l’écoresponsabilité menée par Chafik l’a conduit à développer avec son équipe multidisciplinaire un modèle de maison triple zéro (zéro émission, zéro consommation et zéro déchet) dont le premier prototype sera érigé sur une plage de Comporta au sud de Lisbonne
Source : verre-menuiserie.com