Les foncières, les sociétés de gestion, les promoteurs et les constructeurs passent au "vert", mais rien ne serait possible sans le concours du secteur financier.
"Pour une ville post-carbone, un nécessaire investissement de tous les acteurs face à la haute exigence des enjeux ’’
© Covivio - Immeuble de bureaux "21 Goujon"
Covivio a annoncé fin novembre la signature d’un accord locatif avec une entreprise française de l’industrie du luxe, portant sur les 8 600 m² de l’immeuble de bureaux "21 Goujon", situé dans le 8e arrondissement de Paris. À la suite d’une importante restructuration pensée par Covivio et le cabinet d’architecture Wilmotte & Associés, cet immeuble de caractère des années 30 qui se déploie sur 8 niveaux, propose des plateaux de bureaux d’environ 1 000 m². Au-delà des espaces de travail, "21 Goujon" dispose aussi de 600 m² d’espaces extérieurs avec une serre agricole, un patio et un rooftop avec vue sur la tour Eiffel. Cherchant à prouver ses niveaux de confort, de connectivité et de performance environnementale et en lien avec les ambitions RSE de Covivio, "21 Goujon" vise les certifications HQE niveau Excellent, BREEAM niveau Excellent, ainsi que les labellisations OsmoZ, Biodivercity et R2S. « Cette signature, à travers sa durée et son niveau de loyer, confirme l’attrait renforcé des entreprises pour des immeubles bénéficiant des meilleures localisations et adaptés aux nouveaux usages du bureau. Ce succès commercial, après ceux récemment annoncés de nos immeubles Stream Building-Paris 17e et Anjou-Paris 8e, ou encore Corte Italia à Milan, conforte notre stratégie visant à proposer des destinations toujours plus attractives et des villes plus résilientes », a déclaré Olivier Estève, directeur général délégué de Covivio dans un communiqué.
Cette foncière avait finalisé en août la transformation de certaines de ses souches obligataires en obligations vertes, de sorte que 100 % des obligations Covivio (soit 2,8 Md€) sont désormais vertes.
Le label ISR se cherche encore
Le comité du Label ISR a publié ses recommandations sur l’évolution du référentiel relatif aux valeurs mobilières, qui devrait se réformer pour gagner en crédibilité.
Le label ISR (Investissement Socialement Responsable) a pour objectif de concilier la performance économique et l’impact social et environnemental en finançant les entreprises qui contribuent au développement durable. Il ambitionne de constituer un repère pour les épargnants souhaitant participer à une économie plus durable. Sauf que depuis sa création en 2016, les pratiques de la finance verte ont fortement évolué. À son propos, les critiques fusent. Un rapport de l’inspection des finances (2021) dénonçait « une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence », sauf à se renouveler.
À date (au 30/11/2022), le label compte 1 110 fonds, gérés par 185 sociétés de gestion pour un encours de 707 Md€.
Le comité du label ISR créé en 2020 a été mis en place en octobre 2021. Michèle Pappalardo, sa présidente, a présenté en juillet 2022 les orientations structurantes envisagées pour l’évolution du référentiel, afin de recueillir et examiner les réactions des différentes parties prenantes. Premier constat : si la plupart des parties prenantes souhaite une évolution, il y a des divergences sur les solutions à proposer.
L’objectif étant de proposer un label plus exigeant, plus lisible et plus efficace pour accompagner les progrès de la finance vers une économie plus durable.
Trois axes principaux d’évolution sont proposés pour atteindre cet objectif :
- Réaffirmer la nature généraliste du label, mais en renforçant les exigences liées à l’approche best in class, en s’assurant de la couverture équilibrée des 3 piliers ESG et en s’ouvrant à de nouvelles approches, dans une démarche de graduation.
- Rendre systématique l’exigence de double matérialité, en s’appuyant notamment sur les outils offerts par la réglementation européenne, et en garantissant une cohérence entre la stratégie ESG du fonds, ses objectifs extra-financiers et les indicateurs de suivi associés.
- Intégrer systématiquement la dimension climat dans le socle du label ISR, en introduisant des indicateurs obligatoires, des exclusions, ainsi que des exigences relatives aux plans de transition.
CDP Climate Change
Le virage durable du secteur immobilier et notamment de l’immobilier tertiaire dépend en partie du "verdissement" de la finance. Les foncières, sociétés de gestion, promoteurs et constructeurs s’engagent et certains font du développement durable l’axe central de leur stratégie. Ainsi Gecina en a fait sa marque de fabrique. Cette foncière revendique une politique RSE globale qui repose sur quatre piliers : la sobriété énergétique/bas carbone, l’économie circulaire, la biodiversité et le bien-vivre de l’occupant. Gecina participe à des transactions emblématiques avec par exemple la commercialisation récente de l’immeuble "3 Opéra" place de l’Opéra à Paris. Surtout, Gecina a été reconnue pour son leadership en matière de transparence et de performance sur le changement climatique par le CDP Climate Change (organisation internationale à but non lucratif qui gère une base de données mondiale sur la performance environnementale des villes et des entreprises) et entre dans le cercle restreint des entreprises ayant obtenu la note A au classement du changement climatique (283 entreprises – dont 24 françaises – bénéficient de cette notation maximale). Une reconnaissance pour un groupe ambitieux en matière de RSE qui vise notamment la sobriété énergétique des restructurations, la mise en place du plan Carbon Net Zero Plan 2030 – prévoyant une réduction des consommations énergétiques et des émissions du patrimoine en exploitation d’ici 2030 – et la décarbonation de son mix énergétique. La foncière progresse également au classement GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark), avec un score global de 94/100 (en progression de 1 point sur un an) et voit sa note AAA renouvelée par l’agence MSCI pour la cinquième année consécutive. Enfin, pour la 9e année consécutive, Gecina a reçu la médaille d’Or des Sustainability Best Practices Recommendations (SBPR) Awards de l’EPRA (European Public Real Estate), attestant la qualité et l’exhaustivité de son reporting RSE.
Mercialys, société spécialisée dans la gestion, la transformation et la valorisation de centres commerciaux a également indiqué se hisser à la deuxième place de sa catégorie, celle des foncières commerciales européennes cotées, dans le classement annuel 2022 du GRESB. Avec une note de 91/100, elle progresse de deux points par rapport à 2021, tandis que la moyenne du GRESB, à 74/100, recule d’un point. La société conforte ainsi son statut Green Star, la plus haute catégorie du benchmark, pour la sixième année consécutive. La foncière est à nouveau récompensée pour son engagement en faveur de la lutte contre le changement climatique. Le CDP a une fois de plus placé Mercialys dans sa A List. Résultat des différentes actions mises en place, Mercialys déclare avoir déjà réduit de - 26% ce poste d’émissions en 4 ans et être en ligne avec sa trajectoire carbone.
La future Cité internationale de la Gastronomie
© IDA + Perspectiviste - Cité internationale de la gastronomie
La cité de la gastronomie devrait prendre la forme d’un quartier dédié à la culture culinaire et à l’art de la table. Le promoteur Pitch immo (marque du groupe Altarea) a remporté l’appel à projet lancé par le Syndicat mixte de la cité de la gastronomie Paris-Rungis. Le programme répond aux exigences de la RE 2020 - seuils 2025 - et se veut exemplaire sur le plan énergétique. Le réemploi des matériaux sera privilégié et le projet comprend des modes constructifs mixte bois/béton pour un impact carbone limité. Des lisières seront installées dans une logique de dépolluer les sols grâce à des plantes phytoépuratrices. Tous ces éléments combinés contribueront à faire de la Cité Internationale de la Gastronomie un démonstrateur d’une ville post-carbone. Les enjeux environnementaux du projet ont été regroupés en quatre thématiques complémentaires : conception bioclimatique et performance énergétique, préservation des ressources, confort, santé et bien-être et enfin, biodiversité et nature en ville. Répondre à ces enjeux permettra de viser, pour la Cité, les certifications HQE et BREEAM niveau Excellent, ainsi que les labels BiodiverCity, Biosourcé et BBCA. Les travaux devraient être réalisés en 2025 pour une ouverture prévue en 2027.
Les gestionnaires d’actifs mobilisés
Vendôme Régions et Fair Invest, les deux SCPI "locales et responsables" gérées par Norma Capital, ont investi près de 35 M€ au 1er trimestre 2022. Après 180 M€ en 2021. Elles visent 250 M€ d’investissements sur les territoires pour l’ensemble de l’exercice en cours. Fair invest poursuit ses investissements dans les secteurs de la santé et de l’éducation avec 640 m² de bureaux à Bordeaux loués par la Maison des Solidarité du département de la Gironde, 1?340 m² de commerce à Nice loué par basic Fit, etc.
De son côté, Perial Asset Management annonce l’achat de l’immeuble de bureaux Onyx à Bruxelles pour le compte de la SCPI PFO2. D’un montant de 67 M€ HT, cette opération est la deuxième acquisition de la société de gestion dans la capitale bruxelloise et la première pour cette SCPI à vocation environnementale. L’immeuble livré en juillet 2022 s’étend sur 16 000 m², répartis sur 5 étages supérieurs, un rez-de-chaussée et 3 niveaux de sous-sols, et a été pensé pour répondre aux derniers standards internationaux en termes de normes environnementales et de services proposés à ses occupants (restauration inter-entreprises, local vélo, plateaux flexibles, belle luminosité naturelle grâce à une hauteur sous plafond de près de 3 m).
Zoom sur le Baromètre de l’Immobilier Responsable
Le classement des enjeux ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) en immobilier de gestion en 2022 reste stable par rapport à 2021 selon la 4e édition du Baromètre de l’Immobilier Responsable publié chaque année par l’Observatoire de l’immobilier durable (OID), qui analyse le niveau de maturité des pratiques ESG des acteurs de l’immobilier et le lien entre leur stratégie ESG et les réglementations extra-financières.
• L’immobilier de gestion : avec une note moyenne de 7,93/10 sur le pilier environnemental, ce sont les enjeux "énergie et carbone" qui demeurent prioritaires. L’enjeu "carbone" continue de dominer le classement. En moyenne nous apprend ce baromètre, 93 % des acteurs de l’immobilier de gestion se fixent un objectif lié à l’énergie et 90 % un objectif en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les autres enjeux environnementaux, liés à l’utilisation des ressources, demeurent moins prioritaires.
La gouvernance est le second pilier des stratégies ESG des acteurs de l’immobilier de gestion. Les acteurs poursuivent leurs engagements auprès de leurs parties prenantes, de plus en plus exigeantes. La transparence extra-financière exigée par les dispositifs européens est également de plus en plus forte. Enfin, les acteurs de l’immobilier de gestion abordent le pilier social sous l’angle de la santé et du confort des occupants, tenant compte des nouvelles manières de travailler et de vivre.
L’Observatoire a évalué le niveau de maturité des acteurs sur l’appropriation et l’application des exigences réglementaires, notamment celles de la Taxonomie européenne. Pour rappel, le règlement taxonomie a été adopté par l’UE en 2020. La taxonomie européenne désigne une classification des activités économiques ayant un impact sur l’environnement. L’objectif étant d’orienter les investissements afin de verdir les activités. Pour ce premier exercice, les taux d’éligibilité annoncés sont, comme attendu, particulièrement élevés pour les activités immobilières.
• La promotion immobilière : les niveaux de priorité accordés aux 20 enjeux ESG sont globalement en légère hausse. À l’exception des enjeux carbone et biodiversité, les acteurs de la filière ne déclarent pas de manière systématique des indicateurs et objectifs. L’enjeu Carbone semble porté par les exigences de la nouvelle réglementation environnementale (RE2020), qui impose des seuils "carbone" et le calcul de l’analyse de cycle de vie du projet immobilier, et par les attentes de plus en plus fortes des parties prenantes. L’analyse de cycle de vie favorise l’utilisation de matériaux biosourcés, permettant de réduire l’empreinte carbone de l’activité. Les acteurs apparaissent moins matures sur les enjeux liés à l’utilisation des ressources.
Les enjeux liés au pilier de gouvernance gagnent en priorité. Cela peut s’expliquer par des exigences accrues de la part des parties prenantes, mais aussi par les divers dispositifs réglementaires, comme la Taxinomie européenne, qui requièrent une bonne appropriation, au moyen notamment de formations dispensées aux collaborateurs, et une collecte de données fiables.
Les enjeux sociaux sont représentés pour les promoteurs immobiliers par la "santé" et la "sécurité" des occupants. La demande d’espace évolue, notamment avec la volonté d’un lieu dédié au télétravail dans le résidentiel.
Les acteurs de la promotion immobilière ont également réalisé l’exercice de publication des taux d’éligibilité des indicateurs (CA, CAPEX, OPEX) pour l’activité "7.1 Construction de bâtiments neufs" de la Taxinomie européenne. Comme l’immobilier de gestion, les taux sont élevés : en moyenne, un euro de CA est éligible à 94 % et un euro de CAPEX est éligible à 85 %.
— Par Véronique Méot
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Source : verre-menuiserie.com