Flagrante dans le tertiaire, la tendance s’immisce aussi dans l’habitat. Cherté des mètres carrés, réduction des coûts carbone, quête de confort…
... les raisons d’utiliser le bâtiment autrement sont nombreuses et la modularité de mise.
Aujourd’hui on compterait plus de 3 420 espaces de coworking en France, soit une croissance de 23 % par rapport à 2021 selon le baromètre du bureau 2022 d’Ubiq (Ubiqdata). « La demande est à la hauteur de l’offre croissante : les coworkings ayant répondu à l’étude affichent un taux de remplissage de 91 %. Les acteurs principaux du marché incarnent cette croissance et, en un an seulement, le parc de Spaces filiale d’IWG, Wework, Morning et Wojo a crû de 27 %, avoisinant dorénavant les 400 000 m². Le marché du coworking a provoqué de nombreuses fusions et rapprochements comme Multiburo et Start-way sous la bannière La Poste Immobilier, l’acteur américain Industrious et le coworking belge Welkin & Meraki ou encore dans la maison Accor, Wojo et Mama Works », annonce Ubiq. Cette étude indique que les 25 plus grands acteurs du coworking cumuleront plus d’un million de mètres carrés d’espaces de coworking en France dans les 18 prochains mois.
Une conversion massive des grands bailleurs de l’immobilier tertiaire vers des offres plus flexibles serait même en cours, à l’image de la RATP avec son offre Urban Station.
Ubigreen mesure le taux d’occupation des bureaux
© Ubigreen - L’application My Workspace par Ubigreen
Dans le cadre de la gestion des espaces en flex office et hybrides, Ubigreen propose une solution de mesure d’occupation réelle de l’espace. Quel est le taux d’utilisation ? « Il s’agit d’une question essentielle à laquelle notre solution permet de répondre afin que chaque collaborateur ait une visibilité précise des bureaux disponibles et des bureaux non disponibles », explique Julien Meriaudeau, président d’Ubigreen. Des capteurs installés dans les locaux mesurent le taux de remplissage. L’applicatif My Workspace facilite la gestion des espaces réservables et la communication avec les collaborateurs. L’outil commercialisé en mode Saas ne nécessite pas l’installation d’infrastructure hormis les capteurs.
Plusieurs modèles
Le secteur a le vent en poupe. Son chiffre d’affaires devrait augmenter de 25 % en 2022, puis de 10 % par an d’ici 2024, selon une autre étude publiée par Xerfi Precepta(1). Après l’Ile-de-France, les régions sont concernées par les ouvertures d’espaces dans les grandes agglomérations mais aussi dans les villes moyennes. Les grandes enseignes rivalisent avec des acteurs régionaux. Par exemple, Newton Offices propose des espaces de travail "clé en main" en région auxquels viennent s’ajouter l’accès à des salles de réunions, des espaces communs spacieux, des espaces bien-être et des services (cours de yoga, sport, massages, activités, événements…) pour améliorer le quotidien des collaborateurs. Une offre qui s’adresse principalement aux PME en quête de flexibilité, de confort et de productivité. Aujourd’hui, Guillaume Pellegrin fondateur du concept, va plus loin avec une nouvelle offre conçue spécialement pour les grandes entreprises : la formule, "Plateaux by Newton", propose en effet des espaces de travail 100 % privatifs de 250 m² à 15 000 m², accessibles en bail commercial classique ou en contrat de prestation de services à tiroirs.
La conception d’espaces de bureau tient compte des utilisateurs
Le modèle de bureau opéré (ou clé en mains, en prestations de services) séduit. Pour plusieurs raisons. D’abord, rappelle Xerfi, « l’opérateur décharge le propriétaire des aspects opérationnels (commercialisation, animation, gestion courante du site). Pour l’utilisateur, c’est un bon moyen de s’engager sur des périodes plus courtes et d’ajuster facilement les espaces à la hausse ou à la baisse ». Les entreprises peuvent ainsi réduire leurs coûts immobiliers ou compenser la dépense par l’obtention de services additionnels (conciergerie, salle de sport, etc.). En outre, réduire les mètres carrés occupés alimente la straLes exploitants des bureaux opérés (Deskeo, Now Connected) font part d’ambitions très fortes. Xerfi estime que « la hausse des surfaces exploitées en prestations tégie RSE en abaissant l’émission de carbone, d’autant que la formule permet de diminuer les transports. Une entreprise peut en effet louer un bureau à proximité du domicile d’une partie de ses salariés, ou réserver une salle de réunion lors d’une rencontre avec un client. Flexible, la formule correspond à l’ère du temps et aux nouvelles façons de travailler. À l’heure de l’adoption massive du télétravail, les salariés considèrent le bien-être au bureau comme essentiel à leur épanouissement. Les espaces hybrides proposant des bureaux mieux équipés, plus confortables, plus conviviaux, permettent en outre aux entreprises d’attirer des talents.
© Newton Offices - Newton Offices propose des solutions de bureaux flexibles et modulables
Les exploitants des bureaux opérés (Deskeo, Now Connected) font part d’ambitions très fortes. Xerfi estime que « la hausse des surfaces exploitées en prestations de services va contribuer a? doper la part de marche? des bureaux flexibles dans le parc tertiaire. Ceux-ci représenteront en effet en 2024 plus de 2 % des surfaces de bureaux en Ile-de-France (environ 1,5 % en 2021) ». D’autant que l’activité attire de nouveaux entrants comme Bouygues Construction ou Comet Meetings.
Enfin, le flex office gagne des parts de marché. « Le flex office est au coeur de la transformation que connaît l’immobilier tertiaire. C’est une solution qui répond parfaitement à la démocratisation et la généralisation du télétravail. Au-delà de permettre aux entreprises de faire des économies financières en diminuant la superficie de leurs espaces, le flex office permet également aux entreprises de réduire l’impact de chaque m² en travaux, en aménagement et en exploitation (chauffage, électricité…) et de mettre l’accent sur la collaboration. Des temps en présentiel de qualité deviennent essentiels au bon fonctionnement des équipes, c’est là toute la promesse du flex-office », résume dans un communiqué Mehdi Dziri, fondateur d’Ubiq.
Le SNFA informe sur l’usage des cloisons mobiles
© SNFA : Livre blanc Aménagement (Juin 2022)
« Face aux évolutions rapides de la société, les entreprises conceptrices et fabricantes de cloisons démontables, regroupées au sein du SNFA ont un rôle de conseil auprès des professionnels de l’aménagement, des architectes d’intérieur, des directions des Ressources Humaines..., pour les aider à concevoir des espaces de travail modulables et flexibles », a précisé Sandra Bertin, déléguée générale du SNFA lors de la publication de deux livres blancs dédiés aux cloisons :
- "Comment la cloison démontable et mobile répond aux enjeux d’aménagement des espaces de travail ? ", dédié aux concepteurs d’espaces de bureaux
- "Comment la cloison démontable et mobile répond aux enjeux RH en 2022 ? ", dédié aux professionnels des ressources humaines
Des espaces plus confortables
Ces prestataires proposent plusieurs types d’offres : des bureaux privés, des espaces collaboratifs et des salles de réunion. En général, elles s’accompagnent de lieux partagés (salle de conférence, salle de sport, jardin, terrasse, etc.). Comment les aménagent-ils ? Chez Wojo, Guillaume de Branche, directeur design travaux & services technologiques, explique : « je pilote les projets avec une équipe, mais comme chaque espace est différent, nous interrogeons plusieurs agences, et nous en choisissons une à la fin pour l’histoire que le designer raconte ». Le cahier des charges décrit les besoins en termes de places et d’occupation du sol, le designer étant chargé de la décoration. « Nous travaillons avec des contractants généraux pour les travaux, avec Tetris notamment, qui nous vendent une prestation quasi globale. Wojo signe néanmoins quelques contrats cadre avec des entreprises référentes, comme avec Clestra pour les cloisons », ajoute-t-il.
© Generous Branding - Generous Branding : aménagement d’une tisanerie chez Newton Offices
Chez Generous Branding, en charge de la décoration des sites de Newton Offices, qui propose des immeubles de travail modulables en région, du bureau privatisable sur mesure, bureaux flexibles et espaces de coworking, Jean-Baptiste Coissac, directeur de créations déclare : « nous abordons l’architecture par le marketing et le parcours client, nous étudions donc la stratégie de l’entreprise en amont afin de l’incarner à travers un parcours utilisateur, cohérent avec cette promesse ». Ainsi, poursuit-il, « la promesse de Newton étant de fournir un espace de travail efficace, nous favorisons, en collaboration avec l’agence Moa Architectures (Julien Monfort), l’acoustique, la lumière naturelle, les espaces de convivialité ». Les matériaux sont triés sur le volet. La marque étant imprégnée d’une identité forte, liée à son implantation dans le Sud, notamment à Marseille, des matériaux naturels (terre cuite, tressage, enduit à la chaux, céramique, etc.) sont mis en oeuvre. La couleur ocre est contrebalancée par les rouges et oranges emblématiques de la marque, aux tonalités plus vives. « Les couleurs sourdes, profondes sont privilégiées, la lumière naturelle entre grâce à de grandes baies vitrées, les moquettes aux vertus acoustiques sont claires », précise-t-il. Des voilages textiles contribuent à amortir les bruits. Confort et esthétique sont savamment conjugués.
Stéphanie Gherissi, fondatrice de l’agence de design d’espace expérientiel SG Design
Le design expérientiel est basé sur l’implication des occupants
Votre ambition est d’accompagner le changement des organisations du travail, quelle est votre approche ?
Le design expérientiel est basé sur l’implication des occupants. Lorsque nous travaillons sur un projet de siège social par exemple, nous veillons à collecter le ressenti des collaborateurs qui vivent dans l’entreprise et utilisent réellement les espaces. Nous les invitons à se projeter dans un futur qu’ils ne connaissent pas encore, car plusieurs années s’écoulent entre la conception d’un tel bâtiment et sa livraison.
Notre enjeu consiste à créer des espaces figés qui puissent être évolutifs ! Le bâtiment doit à la fois être modulable à l’intérieur pour davantage de confort et à l’extérieur, en cas de besoin d’agrandissement.
Avec le développement du télétravail, l’optimisation des m² est évoquée – la réduction des m² consommés en centre-ville recherchée en raison des coûts – c’est pourquoi il est intéressant de penser plusieurs lieux abritant plusieurs espaces, ainsi que des connexions à distance et/ou dématérialisées.
Qu’est-ce que le design biophilique ?
Le design biophilique s’inspire de la nature et passe par la reconversion de matériaux existants. La notion de choix des matériaux les plus vertueux possibles est essentielle, entre autres avantages, elle sert la diminution de la pollution de l’air.
Effectuez-vous du sourcing auprès des fournisseurs ?
Oui, nous visitons les showrooms, nous analysons les process des fournisseurs afin de nous assurer de choisir des filières vertueuses et avons le souci de travailler en local.
Depuis le 1er janvier 2022, la réglementation oblige tous les professionnels à organiser la collecte et le recyclage des déchets issus des produits et matériaux qu’ils mettent sur le marché.
Nous avons lancé le projet "Design Engagé" à Tours basé sur l’upcycling des meubles et objets du quotidien. Réalisé en coopération avec Emmaüs et les lycées d’Arsonval et Sainte-Marguerite, il va permettre d’initier des étudiants en design et marchandisage à l’écoconception.
Des meubles et objets vont être conçus par les étudiants, à partir de produits en fin de vie, issus des mobiliers récupérés par Emmaüs. À ces mobiliers, seront ajoutés de nombreux matériaux, initialement destinés à la déchetterie et récupérés auprès d’industriels partenaires.
3 questions à Stéphanie Robin, DRH d’Elcia
© Elcia
1. Comment est née, chez Elcia, l’idée d’une conception hybride des bureaux ?
En 2020, juste après le premier confinement, nous avons inauguré notre nouveau bâtiment, une extension de 1 800 m² de notre siège social basé à Brignais (69). Nous avons impliqué l’ensemble de nos collaborateurs dans la réflexion de son aménagement en nous appuyant sur leurs managers ou via notre enquête annuelle HappyAtWork. Nous avons réfléchi à l’aménagement pendant de longs mois. Nous avons d’ailleurs été accompagnés par un aménageur spécialisé en espaces de coworking. Nous nous sommes inspirés des dernières tendances en matière de méthode de travail, de mobiliers et de bureaux hybrides.
Nous avons privilégié des espaces ouverts, type open space afin de faciliter la communication et les échanges entre collaborateurs. Nous avons aussi veillé à aménager des espaces plus calmes pour que les collaborateurs puissent s’isoler. Nous avons, par exemple, installé un bureau fermé dont la forme est semblable à celle d’une cabine de ski dans notre service référencement. Ainsi, nos collaborateurs peuvent complètement s’isoler tout en étant au milieu d’un open space.
© Elcia - Chez Elcia, des espaces isolés, pensés au milieu des open-space
2. Quels sont les usages dans votre entreprise et quelle évolution des besoins observez-vous ?
Les collaborateurs ont besoin d’échanges réguliers avec les différents services de l’entreprise pour un travail collaboratif. Nous avons donc opté pour des espaces plus humains, chaleureux, cosy. L’idée étant d’inciter les collaborateurs des différents services à se croiser régulièrement, à discuter autour de la machine à café, à déjeuner ensemble. L’aménagement des bureaux et des locaux permet de décloisonner les différents services et de créer des synergies.
L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est également important pour nos collaborateurs et notre direction, d’autant plus que nous avons mis en place une politique d’horaires flexibles depuis plusieurs années. De nombreux collaborateurs pratiquent un sport avant d’arriver au bureau, entre 12h et 14h ou directement après leur journée de travail. Des espaces de douche et une salle de sport équipent nos locaux. Notre politique de mobilité a aussi grandement encouragé l’usage des vélos pour venir au bureau. Nous avons donc veillé à créer un espace dédié et sécurisé pour les garer.
Enfin, la démocratisation du télétravail a aussi eu un impact sur l’aménagement des bureaux. Elcia a encore plus digitalisé ses process et méthodes de travail en équipant les salles de réunion de barres de visio et de son, d’écrans… L’évolution de notre politique de télétravail (jusqu’à 4 jours par mois pour tous les collaborateurs et jusqu’à 5 jours par semaine pour le service produit) va forcément entraîner de nouveaux ajustements, pour peut-être se diriger vers du flex office pour certains services.
3. Quel lien établissez-vous entre aménagement, bien-être au travail et RSE ?
L’aménagement de nos locaux et plus particulièrement de notre nouveau bâtiment s’inscrit totalement dans notre politique de bien-être au travail. Il y participe même pleinement ! Il a été pensé pour le bien-être, l’épanouissement et le confort des 200 salariés de notre groupe. Nous avons aussi eu la même approche pour les locaux de notre filiale Isia à Tarbes.
Le 3e étage de l’extension du siège social d’Elcia a été pensé comme un lieu de vie mêlant restauration, détente, coworking, réunions et organisation d’événements internes. Il est meublé de chaises hautes, de tables à roulettes, de canapés, de fauteuils et même de ballons ergonomiques. Les salariés ont d’ailleurs choisi de nommer cet espace "Confluence", évoquant un lieu moderne et vivant – où se rejoignent les forces et les idées, où les gens peuvent se rencontrer et se réunir – et un clin d’oeil à nos racines lyonnaises.
Il travaille debout
© Elcia - Chez Elcia, Jérémie Bussière a adopté le bureau debout !
« Je travaille tous les jours debout depuis trois ans maintenant. J’ai voulu essayer après avoir suivi une conférence sur les méfaits de la sédentarité. J’ai commencé avec quelques cartons bancals pour essayer, puis Elcia m’a fourni tout l’équipement. Je crois être le précurseur dans la société ! Travailler debout me permet de bouger et d’alterner les positions, je suis moins statique devant mon poste de travail », témoigne Jérémie Bussière, chef de produits chez Elcia.
(1) "Les perspectives 2024 du coworking – Enquête sur l’évolution de la demande, analyse des stratégies et du virage serviciel des acteurs", Vincent Desruelles, Xerfi, mars 2022.
— Par Véronique Méot
© duchili - Acteur du coworking, Wojo tisse sa toile en France comme à l’étranger avec près de 100 000 m2 d’espaces de travail flexibles ouverts depuis 2015 et multiplie les services
Source : verre-menuiserie.com