Pas de fenêtres ni de baies, de façades ou de portes, sans accord entre les deux parties. Pourtant le marché évoque assez peu les liens qui unissent les acteurs du secteur verrier avec ceux de la menuiserie.
L’alliance pour la performance
« Alors que les innovations les plus marquantes proviennent du verre, les gammistes et les fabricants de menuiseries y prêtent attention pour les intégrer dans leurs offres… »
Dire que les deux produits sont complémentaires relève de l’euphémisme. « Le duo est inséparable et si l’un des maillons est faible, la performance globale de la fenêtre est dégradée », rappelle Olivier Simonin, responsable marketing produit K•Line. Indissociable, les deux composants doivent progresser ensemble, estime-t-il. C’est pourquoi K•Line rencontre régulièrement ses partenaires fournisseurs de vitrage. Ainsi, avance Benoit Mangin, ingénieur R&D K•Line, « le vitrage couvre 80 % de la surface du produit, son poids est très impactant, nous échangeons avec les verriers pour connaître les caractéristiques des nouveaux produits afin d’adapter les nôtres et trouver le bon équilibre », ajoutet- il. Le cumul des fonctionnalités du verre – thermique et acoustique notamment – oblige les fabricants de menuiseries à disposer de gammes suffisamment flexibles pour intégrer les différentes épaisseurs.
Personne ne conteste que les performances de la fenêtre proviennent du vitrage, or « le marché ne parle que de la menuiserie », s’étonne Jean-Marc Combes, PDG des Menuiseries Combes, qui craint que les propriétés des vitrages ne soient pas suffisamment mises en avant lors des ventes et que les consommateurs soient peu informés sur ce point. Vitrage chauffant (Eglas de Saint- Gobain ou CalorGlass de Riou Glass), fenêtre tout en verre (Clara chez AGC), store vénitien intégré dans le double vitrage (Veralam), les exemples d’innovations ne manquent pas. « J’ai toujours eu personnellement dans mon scope des verriers, miroitiers et quincailliers, car il me paraît essentiel de discuter avec eux », affirme Maxime Boileau, responsable marketing de la division Fenêtres chez Rehau France. Dès que Rehau lance une gamme, il cherche à l’ajuster aux innovations technologiques ou esthétiques. « Nous échangeons beaucoup avec les verriers, Saint-Gobain, AGC ou encore avec Soveriso parce qu’ils travaillent avec nos clients. Également lorsque nous menons des projets innovants en Allemagne, comme une fenêtre tout en un avec un vitrage opacifiant ou un produit qui intègre un verre polarisé. Nous entamons aussi les discussions autour du vitrage sous vide car l’avenir appartient aux produits plus simples, moins encombrants et plus durables », indique-t-il.
© Solarlux
Le verre est le fruit de la menuiserie, lien indispensable pour former un tout indissociable : fenêtres, façades, portes…
un accord parfait et sur mesure sous tous les angles – Solarlux
« Les verriers apportent de la valeur ajoutée, le verre peut être très technique, mais je ne vois pas beaucoup de gammistes intégrer la dimension verre dans leur approche, sauf pour homologuer leurs gammes, et les verriers ne communiquent pas assez auprès du grand public, ils ne simplifient guère la grille de lecture », regrette Jean Poulallion, président de Metzger, entreprise de menuiseries extérieures basée en Lorraine. Au point que certaines innovations n’arrivent que très tard sur le marché français. « Prenez l’exemple du verre à film Heat-Mirror™, vitrage isolant qui a les propriétés thermiques d’un triple, inventé aux États-Unis en 1970 et qui n’est pas distribué en France, mais en Belgique », poursuit-il. Prescripteur auprès des particuliers, Metzger recommande le verre en fonction de l’exposition et de la localisation de la véranda. « La logique d’interaction s’opère à notre niveau », glisse-t-il. « Si le verre ne peut pas fonctionner sans la menuiserie et inversement, les deux mondes sont différents dans leur communication comme dans leur organisation », observe Vrège Jeloyan, directeur opérationnel de Vie & Véranda. Ce fabricant se fournit chez Profils Systèmes pour les profilés aluminium : « nous leur achetons des profils de 6 m ou 6, 60 m que nous usinons dans nos ateliers puis nous les assemblons, leurs formes sont spécifiques ; en revanche nous ne gérons pas de stock de vitrage, le verre est commandé au coup par coup sur mesure, c’est pourquoi nous avons besoin d’une grande réactivité de la part de notre fournisseur ». Vie & Véranda fait appel à Saint-Gobain.
D’autres acteurs interviennent en amont : les fabricants d’intercalaire et les quincaillers. « L’intercalaire en aluminium va disparaître au profit du warm edge, mais pour le triple vitrage nous allons chercher le super warm edge », confie Benoit Mangin. Les produits évoluent au fil du temps pour répondre aux exigences thermiques et environnementales. « Lorsque l’on passe d’une épaisseur de verre de 24 mm à 48 mm, la partie fixe de la fenêtre reste identique, mais l’ouvrant est modifié car le verre laisse moins de place à la quincaillerie », explique Olivier Simonin. Les éléments doivent donc être bien calibrés.
© Vie & Véranda
Réalisation d’une véranda – Vie & Véranda
Stratégie d’achats
Chacun gère ses relations suivant sa stratégie d’achats. « Nous avons un seul fournisseur de vitrage, Auvergne Isolation (filiale de Saint-Gobain) ; les liens qui nous unissent sont forts et anciens, nous en avions deux auparavant, mais le second s’est montré défaillant, et pour les profilés, nous travaillons avec profine pour le PVC et Sepalumic pour l’aluminium, il s’agit de véritables partenariats », signale Jean-Marc Combes. Pour ce dirigeant, il est plus simple de changer de fournisseur de verre que de profilés. « En matière de verre, nous sommes attentifs au taux de casse pendant les transports, avec un partenaire de proximité, nous limitons ce risque ; en revanche, les relations avec les fabricants de profils exigent beaucoup plus, car les ateliers doivent être équipés de machines réglées en fonction de la gamme travaillée », précise-t-il.
Les Menuiseries Combes ont déjà changé de fournisseur « parce que le taux de service n’était pas à la hauteur », lâche Jean-Marc Combes. Le stock est géré en flux tendu, la livraison est un sujet d’inquiétude.
Dans le secteur du bois, Xavier Lecompte, PDG d’Atulam, fabricant de fenêtres et portes sur mesure, qui usine le bois dans son atelier, s’approvisionne auprès de plusieurs fournisseurs de verre comme Soveriso (groupe Devglass) notamment, pour ne pas mettre ses oeufs dans un même panier et se tourne également vers des entreprises spécifiques pour leur savoirfaire, Tecni Bombage (verre bombé) ou encore Fany Glass (atelier de création de vitraux art déco). « Nous vendons de la décoration avec des produits en bois générateurs de bien-être, nous insérons donc un vitrage qui doit répondre aux attentes du client en matière de performances thermique, acoustique, de retard à l’effraction et d’esthétique », commente-t-il.
© K•Line
Imbrika, nouveau concept d’immeuble tertiaire hybride à Nantes – K•Line
L’évolution du marché oriente les collaborations, car si le vitrage innove, les systèmes doivent s’accorder. « Les tendances sont au gain de clair de vitrage pour faire entrer un maximum de lumière dans les habitations et ouvrir les pièces vers les espaces extérieurs. Cela passe par des formats de menuiseries de plus en plus grands et des profils de plus en plus minimalistes. C’est avec l’aluminium que les possibilités de grand vitrage sont maximales compte tenu de la résistance du matériau, notamment avec les baies XXL. La menuiserie amène la manoeuvrabilité du vitrage en coulissant, ouvrant, oscillobattant… », argumente Clément Nouveau, directeur des achats groupe Estemi. « La qualité des vitrages s’est fortement améliorée ces 20 dernières années, le standard était en 24 mm d’épaisseur il y a encore 5 ans, il est aujourd’hui en 28 mm avec des possibilités de double ou triple vitrage, de vitrage renforcé en sécurité, en protection solaire… Nous travaillons en partenariat avec des miroitiers, dont le groupe Devglass, qui transforment le vitrage et nous fournissent des produits sur mesure avec des possibilités de personnalisation à la demande du client. La conception écoresponsable guide nos choix du mix vitrage-menuiseries avec la prise en compte de l’exposition : nous conseillons par exemple une typologie de vitrage plus isolante sur les façades exposées nord, combinée à une typologie plus solaire sur les façades exposées sud… la mise en place de baies vitrées en exposition sud pour un gain de lumière et de chaleur naturelles maximisé. Nous conseillons également l’ajout de volets pour renforcer l’isolation thermique la nuit sur les menuiseries à grand format de vitrage. Et tendre ainsi vers une très faible déperdition énergétique », développe Clément Nouveau. Dominique Rey, directeur de Solarlux France, utilise toutes les catégories de vitrage simple, double, triple suivant les projets et leur implantation. « Nous étudions la spécificité du vitrage pour chaque projet ; dans le cas d’un agencement de balcon ou de façade, le choix du vitrage est plus prégnant que pour une simple menuiserie. Nous réalisons des tests jusqu’à ce que le vitrage casse et au point de rupture pour certains gros chantiers. Par exemple, la conception de façades en verre intégrée avec de nombreuses possibilités d'ouverture et de fermeture représente souvent un défi pour les hauteurs élevées. Les exigences statiques accrues, l'aspect visuel, le besoin d'isolation acoustique, de protection contre le vent et les intempéries peuvent rarement être réunies dans un seul système. En tant que système coulissant tout-verre transparent, le produit SL 23 dispose des caractéristiques techniques nécessaires – comme la protection antirelevage et antibasculement – afin d’être mis en oeuvre comme vitrage de façades modulables, même en cas de hauteurs élevées », détaille-t-il.
© Atulam
Atulam : menuiseries en bois exotique Estibelle pour une construction neuve à Saint Tropez (83)
Synergie et accompagnement
Comment les verriers abordent- ils le sujet de leur collaboration avec le secteur de la menuiserie ? Chez Saint-Gobain, la communication passe avec les clients, soit par les sites Web et par le biais d’échanges sur la relation industrielle et supply-chain quotidienne (charge, urgence, conditionnement…) ou sur le volet organisationnel (gamme produits, innovations, flux informatique, moyen de livraison, cahier des charges…), soit par le biais de travaux et/ou d’échanges sur la partie commerciale et marketing (innovation produits, branding, formation BtoB, définition gammes et pack produit…).
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Solarlux : Cero allie grandes dimensions (jusqu’à 15m² par vantail) et haute sécurité
« Saint-Gobain participe activement depuis des années aux réflexions et travaux menés par les syndicats professionnels de la menuiserie. Nous apportons notre compétence sur les produits verriers dans les différents groupes de travail dans lesquels ces organismes professionnels assurent le suivi des évolutions réglementaires, législatives, techniques etc. Ces derniers mois, Saint Gobain a en particulier accompagné la profession de la menuiserie dans le développement des nombreuses actions en faveur du recyclage des menuiseries en fin de vie et du calcin en boucle fermée. Saint Gobain Glass Solutions Menuisiers Industriels a par exemple été un des premiers signataires de la charte d’engagement pour le recyclage des menuiseries en fin de vie », assure le porte-parole du verrier. Des réunions sont organisées entre partenaires. « Nous rencontrons Saint-Gobain lors de réunions de prospectives sur divers sujets (innovation, règlementation, etc.)», témoigne Olivier Simonin. Même posture chez Riou : « nous travaillons avec l’ensemble des gammistes, peu importe le matériau (acier, aluminium, PVC ou bois). Avec certaines entreprises, nous avons des partenariats de développement et de certification de gammes, chacun prenant en considération les contraintes de l’autre pour coconstruire des solutions », indique Jamila Azaouzi, directrice de développement commercial Riou Glass. Les certifications sont passées ensemble par exemple dans le cadre des gammes feu.
© AGC Glass
AGC Glass : Clara by AGC
Réseaux fédérateurs
Les réseaux de professionnels sont dans la boucle. « Nous avons des relations avec les menuisiers car nos activités sont complémentaires et nous avons une vraie valeur ajoutée à leur apporter, d’ailleurs plus ils nous consultent en amont sur leurs études, meilleurs sont les résultats », déclare Laurent Personnaz, directeur général de la Miroiterie de Chartreuse, qui admet en souriant collaborer « très facilement » avec la menuiserie aluminium Personnaz, dirigée par sa soeur ! Membre du réseau Les verriers d’Aujourd’hui, il utilise le logiciel Vivalog afin de renseigner les caractéristiques des produits verriers et régler de nombreux problèmes techniques avec ses clients. Les réseaux professionnels favorisent les interactions entre les acteurs du marché. Laurent Personnaz adhère également à Glastetik by AGC qui réunit les spécialistes de la transformation et de la distribution du verre décoratif. « Ce type de réseau me permet de glaner des informations que je transmets à mes clients miroitiers et particuliers et aussi de rencontrer des confrères ».
La souplesse technique de Profils SystèmesIllustration de la rencontre entre le verre et la menuiserie, la façade de verre sérigraphié de l’immeuble tertiaire PGB 123, signée Rudy Ricciotti, qui fait référence au célèbre Denim et qui a été réalisé par les promoteurs STS et Holding Tissot. SAM Bâtiment a réalisé le mur-rideau VEC à partir de la série Tanagra de Profils Systèmes. Un ATEx (appréciation technique d’expérimentation) spécifique a été nécessaire pour obtenir l’agrément du bureau de contrôle. Les vitrages étant très lourds et très épais, Profils Systèmes a dû créé une nouvelle filière de cadre VEC et développer des pièces de support de vitrages, permettant de ramener le déport des charges dans la géométrie de la façade. AGC signe l’impression du vitrage, deux miroitiers sont intervenus, Maccario et Diffuver, pour procéder à l’assemblage et au collage. Enfin, Pascal Menuiserie s’est chargé des 900 châssis de 2,7 m de large et 50 cm de hauteur, ainsi que d’une quinzaine d’ensembles vitrés (10 m de large et 3 m de haut) qui constituent les patios.
© Profils Systèmes Profils Systèmes : PGB à Nîmes |
Lancé en février 2021, le Club Partenaires initié par VD-Industry est destiné à rassembler ses clients autour des menuiseries de sécurité avec un objectif : concrétiser de nouveaux projets ensemble. Le fabricant vosgien propose ici un accompagnement à ses membres à plusieurs niveaux (communication, commerce, prescription et formation). À ce jour, ils sont une dizaine à l’avoir rejoint. « Je suis très satisfaite des résultats de nos collaborations avec nos adhérents. Depuis un an, nous avons su créer une véritable dynamique avec engagement et confiance », se réjouit Margot Bagard, ambassadrice du club.
© David Arous
Deveugle : La Samaritaine
Partenariats à valeur ajoutée
La société Verrissima est familière des partenariats. Nous avons déjà évoqué dans nos colonnes les projets menés avec Rehau. « En 2019, nous avons noué un partenariat avec Proferm pour la gamme de profils Textural qui imite les matériaux comme le cuir, le carbone, le noyer, etc. Leur volonté était de collaborer avec Amandine Mangenot pour faire éclore une gamme artistique, nous avons ainsi pu marier les effets matières et créer des motifs qui s’harmonisent avec la matière des profilés », fait valoir Patrick Gross, directeur général de Verrissima. Le but ici étant de proposer un catalogue de châssis haut de gamme. « L’accueil a été très bon », apprécie Patrick Gross. L’aventure a démarré simplement, lors d’une rencontre au salon Equipbaie. « Avec Proferm, il s’agit de codéveloppement entre nos services produits respectifs, le projet a été mené en plusieurs étapes », précise Patrick Gross. D’autres catalogues ont émergé. Aujourd’hui, Verrissima est reconnu pour son savoir-faire pionnier en matière de décoration. « Des fabricants viennent régulièrement nous solliciter pour développer des produits d’exception », se félicite-t-il. L’an dernier, Metzger a fait appel à ses services pour la création de modèles inédits, d’où plusieurs séries sont nées : une, imaginée par Amandine Mangenot, une autre par le designer Philippe Letullier. Les panneaux artistiques représentent 20 % des ventes de Verrissima, un marché de niche qui se développe et séduit les fabricants de portes.
© Verrissima Metzger
Verrissima/Metzger : impression numérique sur vitrage transparent, design
signé Philippe Letullier
© Verrissima/Proferm
Verrissima-Proferm : gamme Textural
© Brenac + Gonzales & Associés
Source : verre-menuiserie.com