L?architecte Milanais Stefano Boeri projette de bâtir la tour Botanico, de 110 m, avec structure bois sur un noyau béton et acier. Elle sera enveloppée d?une enveloppe végétale capable de capter 14 t de CO2/an.
Légende : Le futur résultat de la régénération du complexe Pirelli 39, vu de la « bibliothèque des arbres ». © Stefano Boeri Architetti
Le 28 janvier 2021, le principal promoteur italien privé, Coima SGR, a annoncé les résultats d’un concours international portant sur la régénération d’un ensemble immobilier du centre de Milan.
Il s’agit de deux bâtiments situés environ à mi-chemin entre la gare centrale et la nouvelle gare TGV de Milan Garibaldi : la tour Pirellino et à ses pieds un ouvrage passerelle de trois étages, composant un ensemble des années soixante baptisé Pirelli 39 parce que l’adresse est Via Pirelli n°39. L’édifice était connu sous le nom d’UTC et regroupait depuis sa construction des services techniques municipaux.
Milan se réinvente en vert
En sortant de la gare TGV, sur la gauche, le visiteur voit s’élever les deux tours d’habitation arborées du Bosco Verticale (forêt verticale) de l’architecte milanais Stefano Boeri. Son idée depuis adaptée dans le monde entier est d’envelopper littéralement une tour d’habitation de plantes solidement arrimées dans des bacs disposés sur les balcons.
Les deux tours s’élèvent en bordure d’un vaste parc, la bibliothèque des arbres, conçu par l’architecte californien Michael Maltzan dans un même soucis de déploiement de la flore et de la biodiversité. A l’est, ce parc bute sur l’axe routier principal de sortie du centre-ville par le nord.
Il est enjambé par une passerelle de bureaux en R+2 construite comme cela était à la mode il y a un demi-siècle, et jouxté par une tour de bureaux en béton mais amiantée et vide depuis des années.
Le groupe Coima, qui s’est dédié entre autres à la reconfiguration de l’ensemble du quartier Porta Nuova, a sollicité comme il en a l’habitude des équipes architecturales du monde entier en leur laissant une large latitude quant à la question de conserver les bâtiments ou de les remplacer.
Parmi les 70 compétiteurs, et six finalistes dont Wilmotte, on relève l’architecte milanais Boeri associé pour l’occasion à l’agence de l’Américaine Elisabeth Diller, coqueluche du monde américain de l’architecture.
Vue d’ensemble du projet vu du nord : à gauche, la tour Pirellino préservée mais avec son extension suspendue côté nord ; passerelle botanique et culturelle ; tour Botanico dans sa fourrure végétale. © Stefano Boeri Architetti
Aucune démolition envisagée sur le complexe immobilier
On ne sait pas de quoi les autres projets finalistes sont faits. Le tandem lauréat Diller-Boeri penche logiquement pour une réhabilitation des ouvrages existants. L’agence de Diller devrait se charger plus particulièrement de la réhabilitation de la tour tertiaire en béton, après curage. La façade sud, qui donne sur le centre-ville, est caractéristique et mérite d’être sauvegardée.
Côté nord, soit côté quartier d’affaires, la façade en aluminium ne présente pas selon l’agence d’intérêt. Par ailleurs, les plateaux sont trop exigus et les plafonds déjà très bas. Il est donc question de procéder à une extension suspendue, à partir du 7e étage.
On retrouve le même souci de non-démolition pour l’ouvrage en pont, qui sera cependant métamorphosé pour servir de prolongement à la bibliothèque des arbres par une sorte de serre grandiose associée à des lieux culturels.
Cochant les deux cases écologiques de la non-déconstruction, l’équipe lauréate y rajoute celle de ne pas artificialiser un mètre carré de plus. Car la tour verte d’habitation que Stefano Boeri veut ériger est placée au-dessus de l’édifice passerelle. L’approche de cette tour est « française » : noyau en béton, 1800 m3 de planchers en bois, et en complément la nécessité affichée de placer de l’acier pour les descentes de charge et la tenue au vent.
La passerelle est pensée comme un prolongement événementiel de la « bibliothèque des arbres ». © Stefano Boeri Architetti
2700 m2 de panneaux photovoltaïques sur les pourtours des balcons
Stefano Boeri avance dans la direction affichée de vouloir verdir son concept de tour verte qui jusqu’ici, à cause de la charge que représente les arbres, nécessitait le recours à une structure en béton. Si on passe à une tour mixte, dont la structure stockerait du carbone, il faut lâcher du lest et les arbres cèdent la place à des plantes, tandis que le nom de la tour devient Botanico.
Les ouvrages en bois et en acier sont voulus comme démontables et réutilisables afin de rallonger le cycle de vie potentiel. Leur préfabrication et assemblage permet un chantier propre et rapide.
Le pourtour des balcons sert aussi à installer 2700 m2 de panneaux photovoltaïques, qui devraient produire 65% de l’énergie requise par les habitants de la tour. Le projet sera bardé de certifications environnementales internationales type LEED en visant la plus haute marche.
1700 m2 de plantations à chaque étage de la façade
Cette approche constructive allégée restera tout de même un challenge avec un total de 1700 m2 de plantations sur tout le pourtour de la façade à chaque étage : 13 000 plantes réparties sur les 20 étages résidentiels, dont tout de même 420 arbres, 4000 arbustes et 7500 plantes vivaces.
Chaque occupant aura à prendre soin de deux arbres et de 65 plantes. De quoi, selon l’équipe lauréate, capter 14 tonnes de CO2 et produire 9 tonnes d’oxygène par an, soit l’équivalent d’une forêt d’un hectare.
A Milan, les canicules menacent et cette nouvelle tour verte, tout en complétant la nouvelle image internationale de la ville, s’inscrit dans le plan municipal qui vise à replanter 3 millions d’arbres en dix ans, créer 29 parcs.
La vue du Sud-ouest dévoile le nouvel ensemble comme une sorte de porte d’accès au quartier d’affaires. © Stefano Boeri Architetti
Discipline et main verte exigées !
Sans doute, les lauréats se sont imposés par une idée de génie de Boeri, visant à répartir les couleurs des floraisons par étages, de façon à ce que chaque mois de l’année se caractérise par une certaine couleur dominante à certains étages.
Bien sûr, cela implique que les habitants de cette tour aient la main verte et fassent preuve d’une certaine discipline. Sur le net, on trouve des retours critique d’une opération de type Bosco Verticale à Chengdu en Chine. La flore y a attiré les moustiques, les moustiques ont fait fuir les habitants de leurs balcons et la végétation a été livrée à elle-même.
Pourtant, à Milan, ça marche, sans doute simplement parce que les Italiens pensent collectif et surtout sont disciplinés. Il n’empêche que la compatibilité du concept Boeri avec la menace du moustique tigre demande réflexion.
La Tour Botanico gère les couleurs de floraison par étage
Avec Botanico, s’il réussit son pari, Stefano Boeri deviendra un artiste qui n’a plus rien à envier à Gerhard Richter et ses tableaux en bandes de couleurs filigranes. On reconnaîtra le mois de janvier à la rougeur spécifique du 12e étage.
Février aux deux traits bleus du 4e et du dernier étage. Mars aux deux traits orange du 6e et du 18e étage. Juin au ton fuchsia du pénultième. Juillet au jaune intense du 7e. Et ainsi suite selon la présentation qui en a été faite.
Utilisation d'un savoir-faire français pour la Tour
Sismique, noyau béton, association de l’acier et du CLT, multi-étage… le savoir-faire technique de ce genre d’ouvrage est indéniablement français et la référence la plus proche le Palazzo Méridia de Nice, qui met d’ailleurs le doigt sur un problème auquel l’équipe lauréate sera confrontée, à savoir la gestion du risque sismique d’ouvrages mixtes en termes de calculs.
Pas de tour Botanico sans Bosco Verticale. Mais en admettant que Botanico réussisse, on voit déjà se profiler l’étape suivante : des tours moins hautes, disposant d’un système de grue pour remplacer les plantes devenues trop grandes, d’un bassin de récupération d’eau de pluie au sommet de la tour, qui pourrait également servir pour la protection contre l’incendie.
Des ruches pour les fleurs et aussi en complément des fleurs des légumes et des arbres fruitiers.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven