Le bâtiment face aux extrêmes : un défi pour l’innovation humaine

Tremblements de terre, cyclones, inondations, incendies? Ces phénomènes naturels menacent la survie des hommes depuis la nuit des temps.

Le 21 juin 2019, un séisme de magnitude 5,1 sur l’échelle de Richter dont l’épicentre est situé à Bressuire (79) fait trembler tout l’Ouest de la France, de Rennes à La Rochelle. La secousse est même ressentie à Bordeaux. Sans être aussi violents, les séismes en France sont pourtant récurrents. La base de données du Réseau National de Surveillance Sismique (RéNaSS) recense plus de 1 450 événements sur une zone géographique couvrant la Bretagne, la Normandie et les Pays de la Loire depuis le 1er janvier 2000.

 

En 2011, la règlementation sismique française a évolué pour devenir plus contraignante en raison de catastrophes récentes, prenant en compte pratiquement tout le territoire, aujourd’hui découpé en quatre grandes zones principales (les DOM TOM constituant la zone 5). De fait, un marché réel a émergé, qui intéresse Wicona, société appartenant au groupe norvégien Norsk Hydro. Près d’une soixantaine d’ingénieurs développent les projets dans tous les secteurs et domaines d’activités (le joint, l’accessoire, le vitrage…). Basée à Ulm, une équipe R&D de 20 personnes est dédiée à la mise en application des concepts propres à chaque pays. C’est elle qui a développé le Wintec 50 SG, le premier mur-rideau tout verre, conforme à la règlementation sismique de France métropolitaine, pour satisfaire les architectes, de plus en plus demandeurs de châssis et d’ouvrants allant de dalle à dalle et variant en hauteur de 2,50 à 3 m.

 

Le chantier des deux tours du projet Wardian, à Londres, comporte un total de 5 400 éléments livrés par Wicona dont 740 Pull-and-slide capables de reprendre des vantaux de 200 kg et possède des performances AEV lui permettant d’affronter des vents de 250 km/h ©  Bernhard J. Lattner

 

Wicona invente un mur-rideau qui résiste aux séismes

 

« Nous sommes partis d’une feuille blanche pour concevoir des éléments de façade comportant un simili aspect zeck – très prisé des architectes – pour que l’aluminium ne soit pas visible de l’extérieur. Mais le gros souci d’un zeck classique est qu’il est collé sur une structure, elle-même pincée ou emprisonnée dans une grille. Dès que des mouvements différentiels surviennent – horizontaux, verticaux ou en profondeur – le verre casse. Le zeck n’était donc pas compatible. Pourtant, il nous fallait garder son esthétique. Nous avons donc travaillé avec la solution brevetée des vitrages ASG en partant d’une idée autour du double vitrage », résume Fabrice Triaes, directeur technique de Wicona France.

 

L’idée du département R&D de Wicona s’est donc portée sur la géométrie du double vitrage pour lui associer un rail en forme de U. Grâce à des clameaux (un système de pièces mécaniques) qui jouent librement à l’intérieur de ce U, le cadre de zeck peut bouger de façon différenciée. « Nous conservons également un jeu important, car un joint de près de 20 mm suit tout le pourtour de la fenêtre et parachève l’aspect zeck qu’apprécient les architectes. Cette solution nous
permet de mettre en oeuvre des vitrages de plus de 2 m x 3 m. C’est le seul système agréé par le CSTB qui permet de répondre à tous les cas de figure en Métropole », détaille Fabrice Triaes.

 

En allant encore plus loin, Wicona vient de valider deux ouvrants particuliers Wicline 90 SG qui vont permettre, sur une façade de bâtiment, de réaliser soit des ouvrants parallèles, soit des ouvrants à l’italienne ou bien encore des ouvrants de type classique de bureaux ou de grande façade. « Nous les avons testés ouverts parce que rien ne prouve que le jour où il y a un tremblement de terre, le vantail soit fermé (en classe 4, c’est le cas le plus défavorable) pour garantir l’accès aux secours post séisme. Il faut qu’après le séisme, vous n’ayez rien perdu des composants de la façade mais qu’en plus, vous ayez conservé les performances initiales. Le cas de figure n’est pas rare en France qu’un bâtiment de
classe 4 soit en région 4 : il y a un vrai besoin du marché », remarque Fabrice Triaes.

 

Wicona ne s’intéresse pas qu’aux séismes : les contraintes liées aux vents violents mobilisent aussi la matière grise des chercheurs. Ils l’ont démontré avec le projet Wardian, constitué de deux grandes tours signées par l’architecte Glenn Howells, à Londres. Du fait de la hauteur des deux bâtiments et de l’effet venturi le long des façades, l’ordre de pression avoisine 1 200 pascals, équivalent à celui d’un front de mer en pleine tempête avec des vents oscillant entre 200 et 250 km/h, « un coulissant ne peut pas encaisser de telles pressions, en raison de son principe de rail. Nous avons donc conçu une deuxième solution capable de reprendre des vantaux de 200 kg et qui possède des performances AEV lui permettant d’affronter des vents de 250 km/h. Nous avons développé un coulissant en façade avec une quincaillerie tout à fait nouvelle, nommé Pull-and-slide qui sera commercialisé en gamme prochainement. La translation latérale déportée offre à ce coulissant des performances remarquables, équivalentes à celles d’une fenêtre. Développée et mise en oeuvre à Londres, cette solution sera également installée aux Émirats arabes unis afin de répondre à une nouvelle problématique : la construction d’un hôtel soumis à des tempêtes de sable ».

 

À Dubaï, SuperSpacer se joue de la chaleur

 

Non loin de là, à Dubaï, la société Edgetech – appartenant au Groupe Quanex (connu pour placer la sécurité de ses employés au summum de ses préoccupations) – a vu l’efficience de son intercalaire Super Spacer® reconnue dans des projets de construction prestigieux et de grande envergure.

 

Complexe et spectaculaire, l’architecture du Museum of the Future de Dubaï intègre elle aussi l’intercalaire Super Spacer, retenu à la fois pour son efficacité et sa discrétion © The Museum of the Future -Shaun Killas

 

Ainsi, il équipe les fenêtres des 93 chambres et des 98 appartements du premier hôtel de la chaîne Meliá au Moyen-Orient qui a été aménagé dans The Opus, un bâtiment spectaculaire imaginé par la regrettée Zaha Hadid. Réparties sur dix-neuf étages, les fenêtres doivent résister au climat qui impose au verre une charge thermique bien supérieure à celles des zones plus tempérées.

 

L’intercalaire Super Spacer conçu par Edgetech équipe les fenêtres du bâtiment The Opus à Dubaï. Il a été choisi pour ses qualités thermiques qui résistent au climat local, caniculaire © Zaha Hadid Architects

 

Les chercheurs d’Edgetech ont dû calculer l’absorption d’énergie maximale, le rayon de courbure minimale et les angles de courbure maximaux de chaque feuille de verre. L’intercalaire d’Edgetech est robuste : dans un simulateur d’ouragan, Super Spacer® TriSealTM a résisté à une vitesse de vent de 350 km/h sous pression positive (côté vent) et à une vitesse de 395 km/h sous pression négative (d’aspiration). En outre, trois intercalaires à bord chaud de la gamme Super Spacer® dépassent la norme Passive House de 1,50 mK/W pour la résistance des bords et sont certifiés pour le climat arctique ainsi que pour toutes les autres zones climatiques.

 

Profils Systèmes : Des gammes spécifiques pour résister aux vents extrêmes

 

Également familière des problèmes liés aux cyclones, la société Profils Systèmes, implantée à la fois en Guadeloupe et en Martinique, dispose d’un dépôt dans chaque département. De son siège à Baillargues (34), « il y a trois ans, nous avons lancé la gamme DZAO, développée spécifiquement pour résister aux conditions cycloniques des Antilles et qui se caractérise par des profils renforcés. Nos produits sont testés pour résister à des pressions de vent de 2 400 pascals, conformément au Document Technique Unifié (DTU) correspondant aux DOM-TOM », explique Aymeric Reinert, directeur adjoint de Profils Systèmes.

 

La gamme DZAO de Profils Systèmes a été développée spécifiquement pour résister aux conditions cycloniques des Antilles © Aurélien Brusini/Christian Nancey Manh & Nancey/Profils Systèmes

 

En 2013, les pergolas des gammes Wallis et Outdoor avaient déjà été étudiées avec cette même exigence : résister à des conditions de vent exceptionnelles et testées avec succès dans la soufflerie du CSTB de Nantes. « Lors du passage de l’ouragan Irma, en septembre 2017, à Saint-Martin, nos produits n’ont pas été impactés par les désordres », se félicite Aymeric Reinert. Pensés pour être à la fois design, innovants et respectueux de l’environnement – trois axes forts revendiqués par la marque – les coulissants, fenêtres et portes développés par la dizaine de personnes qui animent le département R&D de Profils Systèmes sont éprouvés à des pressions élevées sur les bancs tests de l’entreprise.

 

« Lorsque nous les avons remplacés, il y a une petite dizaine d’années, j’avais demandé que le cahier des charges intègre de très hautes pressions car nous sommes également présents sur d’autres marchés export, notamment pour des chantiers de façades que nous mettions en place au Moyen-Orient », évoque Aymeric Reinert.

 

La Polynésie française et la Nouvelle Calédonie, territoires où Profils Systèmes est présent, profitent des performances de ses produits mis au point pour les Antilles. Au cours des dernières années, l’entreprise a travaillé sur de nouvelles gammes complètes à rupture de pont thermique (avec des modules de 70 mm) commercialisés depuis un peu plus d’un an.

 

Bieber teste avec succès une fenêtre pare-flamme sécurité incendie deux faces

 

Outre la chaleur et le vent, les fenêtres doivent aussi résister aux flammes. S’adressant en priorité au marché hexagonal et particulièrement sensible aux dangers liés au feu, la société alsacienne Bieber revendique être le premier fabricant français à avoir réalisé et fait tester avec succès une fenêtre pare-flamme sécurité incendie deux faces (extérieure et intérieure). « Bieber s’est toujours inscrit dans une démarche d’innovation et nous nous intéressons plus particulièrement à la sécurité des personnes. Cette volonté est renforcée par le fait que nous réalisons près de 50 % de notre chiffre d’affaires sur la fonction Chantiers, ce qui nous oblige à toujours être en avance sur les normes pour pouvoir conserver notre
crédibilité auprès de nos clients, tout en proposant des produits adaptés aux nouvelles constructions », explique Christophe Bieber, responsable export et prescription de l’entreprise.

 

Réalisées en mélèze, les fenêtres de Bieber sont disponibles en deux épaisseurs : 78 et 88 mm. Elles sont agréées AEV par le FCBA © Bieber

 

Après un PV d’essai châssisfeu concluant, Bieber a souhaité éprouver la qualité des performances thermiques (AEV) de son produit. L’entreprise a donc choisi de lancer un avis de conformité de sa menuiserie bois – demande marché la plus importante – auprès du FCBA. « Nous avons obtenu un avis favorable sur la conception même de notre châssis. Nous sommes le premier fabricant à disposer d’un châssis en conformité sur la partie feu et certifié sur sa conception (AEV). Cela nous apporte une grande crédibilité face à nos clients architectes, entreprises générales et bureaux de contrôles », se réjouit le responsable export et prescription de l’entreprise.

 

Intervenue en juillet 1976, la catastrophe de Seveso a eu un retentissement sur la règlementation tournée vers la sécurité des personnes au-delà des frontières italiennes. Et l’accident de l’usine AZF de Toulouse, en septembre 2001, a renforcé la volonté des pouvoirs publics d’anticiper les catastrophes sur les zones d’installation dites à risques. « Chez Bieber, ces règlementations nous ont fait développer des fenêtres résistantes au test de surpression : elles l’absorbent pour éviter de blesser les personnes qui se trouvent à l’intérieur des bâtiments. En 2016, près de Lyon, nous avons réalisé un chantier dans ces conditions avec le grand groupe de chimie Solvay », rappelle Christophe Bieber.

 

Les architectes de l'urgence redonnent un toit aux sinistrés

 

Lorsque la force de la nature frappe les hommes, il est impératif de réagir avec rigueur, méthode et intelligence. C’est la mission que s’est donnée la fondation Architectes de l’Urgence, à l’initiative en 2001 de quatre architectes, sollicités lors des inondations de la Somme pour évaluer l’habitabilité de certaines maisons après deux mois dans l’eau. Puis mobilisant pas moins de 200 professionnels après l’explosion de l’usine toulousaine cette même année.

 

Les Architectes de l’Urgence forment des ouvriers locaux aux techniques de construction dans le but de restaurer les bâtiments réparables et de reloger la population. (Ci-dessus), l'orphelinat de Mirebalais reconstruit en Haïti 2015 © Architectes de l’urgence

 

La valeur ajoutée de la Fondation s’exprime dans la reconstruction des bâtiments qu’elle mène dans les règles de l’art. Il s’agit de restaurer orphelinats, centres de santé, écoles ou logements qui ne seront pas mis à mal par un nouveau sinistre, de faire en sorte que les mêmes causes ne reproduisent pas les mêmes effets. « Lorsque nous mettons en place des actions sur la durée, nous comptons sur place sur des équipes de supervision, formées d’expatriés. A minima,
nous disposons toujours d’un binôme architecte - ingénieur pour mener un projet », note Alice Moreira, responsable communication des Architectes de l’Urgence, qui allient les habitants à leur action. « À Haïti, certaines personnes ont commencé chez nous en tant que manoeuvres, puis elles sont intervenues sur les charpentes après une formation. À la fin d’un projet, elles jouissent d’un vrai savoirfaire, ce qui leur permet de trouver du travail dans le bâtiment même après notre départ », conclut Alice Moreira.

 

JLC

Source : verre-menuiserie.com

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