Si de l?avis général, ce mode constructif est considéré comme le plus performant thermiquement, il n?est pas aussi répandu que l?on pourrait croire.
Deceuninck travaille sur un concept dédié
L’industriel belge, qui a conçu des systèmes spéciaux pour l’ITE, porte un regard particulier sur l’ITE et fait évoluer ses produits pour proposer un concept concret. « Jusqu’à maintenant, chaque métier apporte ses solutions », estime Bruno Bednarczyk, directeur technique et développement sud-ouest Europe. « Nous étudions actuellement la possibilité d’associer l’ensemble des intervenants et de travailler avec tous les corps de métiers concernés.
Objectif : proposer une solution globale clé en main ». Pour l’instant, Deceuninck a dépassé le stade des études et démarre les premières réalisations en neuf et rénovation. Une phase de validation industrielle qui passe par des chantiers test pour vérifier et valider le concept. L’entreprise se donne six mois pour y parvenir. « L’ITE est un marché qui intéresse beaucoup de monde », relève Bruno Bednarczyk. « De nombreux professionnels qui se sentent isolés, attendent des propositions et des solutions. Et sont demandeurs, car pour les installateurs, l’ITE reste un casse-tête, surtout dans les cas singuliers. En effet, cette méthode constructive paraît simple mais est très technique. Et puis, il faut tenir compte de la réalité du chantier et aller le plus loin possible pour éviter les contraintes et le bricolage. Très clairement, l’ITE est un nouveau développement pour notre société. Un marché porteur qui vaut la peine d’investir en développement ».
Au moment où l’écologie est sous les feux de l’actualité et où le coût de l’énergie flambe, il est légitime de s’interroger sur la place de l’isolation par l’extérieur (ITE) dans l’enveloppe du bâtiment. Même si l’incendie de la tour Grenfell, qui a provoqué la mort de 71 personnes le 14 juin 2017 à Londres (Grande-Bretagne) a rebattu les cartes, l’ITE reste le modèle constructif le plus performant thermiquement.
Kawneer dispose de solutions spécifiques dans les gammes Kalory à ouvrant visible, Kassiopée à ouvrant caché, Kasting (coulissant) et portes d’entrée Kanada. Ci-dessus, les "Rives de l’Isle" réalisées en ITE © Kawneer
Tous les professionnels s’accordent sur ce point. « Avec un bardage, un enduit ou une vêture, nous enregistrons d’importants gains d’économie d’énergie », explique Maxime Grimault, directeur commercial Geplast. « Malheureusement, seules 25 % des parois opaques sont isolées. Quoiqu’il en soit, l’ITE apporte la meilleure isolation : il est en effet logique d’arrêter le froid à l’extérieur ». Pour le porte-parole de Kawneer, l’ITE, sujet d’actualité, « fait partie du spectre de la construction, plutôt dans le neuf, mais aussi en rénovation, dont l’objectif est d’offrir une performance énergétique élevée. Davantage d’isolation thermique réduit les surfaces froides à l’extérieur et apporte, donc, une meilleure efficacité ».
Le coffre GVR.e 205 mm de Geplast s’adapte à toutes les menuiseries (aluminium, PVC, bois) du marché et à la pose en ITE. Ses particularités : accès par la trappe intérieure en R+1, diamètre d’enroulement de 186 mm, tous types de manoeuvres possibles © Geplast
Très régulièrement utilisée, l’ITE se retrouve systématiquement sur certaines typologies de bâtiments comme les écoles, les lycées et les constructions tertiaires. « Efficace, et même si elle ne domine pas le marché, l’ITE est de plus en plus utilisée aussi bien en neuf qu’en rénovation », constatent Pascal Violleau et Jean-Luc Hautebranc, respectivement responsable prescription et chef de produits marketing chez Technal. « Nous sommes régulièrement sollicités ; au cas par cas. Expression de l’architecte, elle participe à l’image du bâtiment ».
Maxime Boileau, responsable marketing division Windows Solution de Rehau est catégorique : « l’ITE est LA solution pour la rénovation dans le collectif. Face à ces passoires surchauffées, nous devons changer notre orientation en matière de chauffage et d’isolation, par exemple, en installant un sarcophage autour du bâtiment. Outil mis à la disposition des professionnels, c’est l’une des solutions pour travailler sur un bâtiment, mais pas pour autant une solution miracle ». Toutefois, certains bâtiments se prêtent moins à cette méthode constructive. Concrètement, tout n’est pas réalisable en ITE. Pour sa part, Aymeric Reinert, directeur adjoint Profils Systèmes, constate que l’ITE concerne plutôt le tertiaire : « à notre niveau, nous enregistrons assez peu de demandes. Elle se développe, mais il y a encore beaucoup d’ITI et l’on ne remarque pas de basculement de méthode de construction ».
Technal a mis au point un dormant spécifique pour la pose en ITE, maintenant standardisé au sein de l’offre Soléal 65. Les plus produits : dormant 65 drainage apparent et drainage caché, pose en applique extérieure © Technal
Une technique constructive à booster
Pour Pascal Coutié, directeur commercial France-Belgique Suisse Aluplast, « l’ITE est très peu répandue chez nos partenaires car le système constructif français ne s’y prête pas, à l’inverse de ce qui se passe en Belgique, en Autriche, aux Pays-Bas et en Allemagne, où elle est très répandue. En fait, chaque pays préserve son système constructif ».
Effectivement, si les professionnels estiment que l’ITE devrait avoir une plus grande place, il faut tenir compte des habitudes de construction. Pour Kawneer, « il ne s’agit pas du mode de pose le plus répandu en France puisque l’on privilégie l’isolation intérieure. Nous enregistrons de plus en plus de demandes et de nombreux bâtiments reposent sur des châssis ITE, mais ce n’est pas la majorité ».
Rehau a développé des dormants adaptés aux différents types de pose et particulièrement à l’ITE. Exemple, le chantier de Saint Ouen (Paris 18e), 46 logements neufs et réhabilitation de 74 logements par Paris Habitat. Réalisé par MPO avec pose au nu extérieur des fenêtres de la gamme Titanium avec coffre de volet roulant extérieur Exthrême © Rehau
Selon certains professionnels, l’ITE est entrée dans les moeurs et se généralise dans le tertiaire. Pierre Dammé, directeur marketing Wicona, le confirme : « nous sommes sollicités sur l’ITE depuis plus de dix ans pour le tertiaire. Dans la majorité des projets, elle est mieux adaptée que l’ITI en matière d’isolation. Elle est certainement moins répandue dans le résidentiel, où l’ITI est plus simple à mettre en oeuvre ».
Siège social Espace Habitat à Charleville-Mézières (08). L’ITE forme une seconde peau rythmée par un bardage métallique au plissé horizontal et des jeux d’ouvertures avec les modèles Wictec 60, Wictec 50SG et Wicline 65 HI de Wicona © Wicona
Une chose est sûre, les habitudes constructives restent bien ancrées dans tous les corps d’état. Et puis avec ces nouvelles méthodes, on change leur métier.
Les freins à l'ITE
Il est vrai que l’ITE doit faire face à divers obstacles, dans le désordre : le coût, la mise en oeuvre, la méconnaissance, le manque de formation. Pascal Violleau et Jean-Luc Hautebranc soulignent que « les promoteurs sont plutôt versés dans l’ITI plus simple à mettre en oeuvre, même si elle rétrécit un peu les pièces ». Clairement, l’ITE change les habitudes de construction. « Ainsi, en neuf il faut poser la fenêtre le plus à l’extérieur possible afin que le point de rosée soit dans l’isolant pour éviter les moisissures », explique Emmanuel Demesmay, responsable du département Menuiserie et Industrie chez SFS Group SAS Division Construction. Seulement voilà, souvent les professionnels, qui ont aussi peur du changement, sont habitués à travailler en ITI.
« A nous d’évangéliser, d’expliquer », poursuit Emmanuel Demesmay. « On se trouve face à un manque de qualification et d’expérience dans ce mode de construction, et au manque d’accompagnement des PME ». Ce que confirme Maxime Grimault « les grands promoteurs, Bouygues ou Vinci, savent très bien faire, mais pour les plus petits chantiers, les entreprises sont parfois moins expérimentées ». Au réel manque de formation, de qualification et d’expérience
des différents corps de métiers, s’ajoute quelquefois l’ignorance de ce mode de construction. Et avec la force de l’habitude, les artisans ne font pas toujours l’effort d’aller vers ce genre de construction.
Ce n’est pas tout, la pose d’ITE induit à la fois, un surcoût et des moyens spécifiques de mise en oeuvre. Prenons le surcoût. « L’isolation par l’extérieur est un mode de construction plus performant mais plus onéreux », indique Pierre Dammé.
Isosta fabrique 250 000 m2 d’ITE par an, notamment dans le secteur tertiaire. La structure métallique ou en béton reçoit une ossature aluminium, un isolant dont l’épaisseur est calculée selon le besoin en performance thermique du bâtiment et habillé d’un panneau en aluminium composite façonné en cassette par un système de pliage © Isosta
Selon Cédric Le Pape, directeur commercial et marketing du groupe Isosta, « le surcoût dépend des matériaux mais la différence de prix doit être raisonnable ». Jugez plutôt. Une paroi faite de parpaings, de laine de roche et d’un enduit coûte entre 150/200 € le m², une solution technique aboutie d’isolation extérieure entre 250 et 300 €. « Le souci est que les clients ne sont pas les exploitants des immeubles », relève Cédric Le Pape. « Il est plus facile d’installer une ITE lorsque le maître d’ouvrage exploite le bâtiment ».
L’isolation par l’extérieur coûte, donc, plus cher. Un surcoût (pas pour les menuiseries, mais pour les isolants et la mise en oeuvre) compensé par les économies d’énergie réalisées. Malheureusement, les budgets sont encore limités.
Enfin, « la pose des fenêtres, plus compliquée en ITE en raison de l’habillage, nécessite beaucoup de temps de main d’oeuvre », précise Hubert Lagier, spécialiste des fenêtres au CSTB.
Une solution constructive d'avenir
Pourtant les choses changent. Il est vrai que l’ITE ne manque pas d’atouts. Maxime Grimault, pour sa part, ne lui trouve que des avantages : « elle gomme les ponts thermiques, améliore le confort thermique, préserve la superficie intérieure du logement, ne chamboule pas tout en cas de rénovation et apporte une touche esthétique au bâtiment ».
Pour le porte parole de Kawneer, « préserver la superficie intérieure est intéressant pour le promoteur qui ne perd pas de surface marchande ». Idem pour les travaux menés dans le cadre d’une rénovation. « Lorsque l’on travaille en milieu occupé, il n’y a pas d’intervention à l’intérieur des logements et le montage est rapide », complète Maxime Boileau de Rehau. Un avis partagé par Thierry Constant, directeur commercial France Heco-Schrauben « l’ITE permet de garder la surface intérieure et, en rénovation, ne touche pas l’intérieur ».
Grâce à son double filetage de même pas, la vis Heco-Topix-Therm d’Heco-Schrauben évite un enfoncement de la contre-latte dans l’isolant. Elle s’utilise comme vis de poussée, de traînée ou de poussée à serrage transversal © Heco-Schrauben
C’est certain, l’ITE a de l’avenir. « Son principal avantage est d’arrêter le froid là où il arrive », note Franck Müller, directeur commercial d’Iso- Chemie France.
Dernière-née d’ISO-Chemie, le système d’étanchéité en élastomère Iso-Connect Manchette est conçu pour garantir l’étanchéité extérieure des menuiseries posées en applique extérieure par pattes de fixation ou sur précadres métalliques © Iso-Chemie
« C’est aussi la meilleure solution pour répondre aux exigences des RT ». De leur côté, Emmanuel Demesmay « estime qu’elle doit se développer car il s’agit d’une solution constructive d’avenir », et Pierre Dammé « que les contraintes liées à la nouvelle RT 2020 vont pousser à la croissance de l’ITE. Dans l’univers de la menuiserie, on y croit fortement ».
Même sentiment pour Kawneer où « l’ITE est une solution de mise en oeuvre qui ne peut que se développer à l’avenir. Avec les méthodes constructives traditionnelles, l’on n’atteint pas forcément les performances thermiques requises. Sa mise en oeuvre n’est pas encore naturelle, il faut qu’elle devienne un réflexe ».
illbrück commercialise la mousse adhésive universelle PU010 (sans CFC, HCFC ni HFC). Cette colle spéciale, qui garantit une bonne adhérence sur des supports non plats, s’utilise, entre autres, pour le collage de panneaux isolants © illbrück
Enfin, chez illbrück, on note que « lors de la conférence mondiale sur les changements climatiques, tous les pays européens se sont engagés à réduire considérablement leurs émissions de CO2 au cours des prochaines années. L’amélioration des propriétés thermiques de l’enveloppe du bâtiment, en particulier des bâtiments anciens, constitue un pas important dans cette direction ». CQFD.
M.L.
Source : verre-menuiserie.com